Faire renaître une marque
disparue est toujours une aventure, qui puise ses racines dans le passé
mais qui ne saurait s’exonérer d’un important travail sur le produit.
Telles des phoenix, certaines marques
reviennent sur le marché après des parenthèses qui ont duré quelques
années, des décennies, parfois plus… De nombreux biens de grande
consommation parviennent à retrouver une place dans notre quotidien sont
assez nombreux : les sandales en plastique « Sarraisiennes » dont le surnom de Méduse est devenu la marque déposée à partir de 2003 et qui s’imposent aujourd’hui comme des accessoires de mode, Kway relancée en 2013 avec des gammes qui vont bien au-delà de ses célèbres coupe-vent, les cartables Tann’s
disparus dans les années 1990 et qui ont refait leur apparition dans
les cours d’école à partir de 2006… Les exemples sont plus difficiles à
trouver dans les services. Comme si, pour survivre, un service était
condamné à s’adapter au fil du temps ou à disparaître en même temps que
le besoin…
La relance d’une ancienne marque – même
iconique - n’exclut pas un vrai travail sur le produit, afin de le
mettre au niveau des exigences du consommateur. Pour pourvoir assister à
une renaissance, il faut parfois qu’un cycle se termine : disparition
des fondateurs, fusion avec une autre marque, faillite de l’entreprise…
Ce cycle achevé, la marque peut se projeter dans une nouvelle vie, comme
libérée des anciennes pesanteurs qui l’avaient – parfois - conduite à
sa perte.
À condition de trouver ceux qui sauront
leur redonner vie car, tout comme les marques qui se créent, les marques
qui renaissent doivent beaucoup à la conviction et à la persévérance de
leur(s) créateur(s). « Il y a quelque chose de jouissif à exhumer
le passé, à faire renaître une marque qui fait partie du patrimoine ou
de l’héritage collectif. Ce n’est pas seulement une histoire de
nostalgie », note Emma Fric, directrice recherche & prospective chez Peclers Paris.
Réinventer le passé
Si Tolix est aujourd’hui la marque tendance des intérieurs contemporains, c’est en grande partie grâce à la conviction de Chantal Andriot,
ancienne directrice financière de l’entreprise, que l’histoire débutée
en 1927 ne pouvait se terminer par la faillite prononcée en 2004. Grâce à
un important travail avec des designers, le catalogue a progressivement
été remis au goût du jour autour de sa mythique chaise Modèle A.
Les gammes ont ensuite été élargies vers du mobilier pour enfants, des
rangements, de nouveaux modèles de fauteuils et de meubles. En quelques
années, la marque s’est réinventée dans un strict respect de sa culture
de manufacture : les nouveautés se sont inscrites dans les possibilités
de son outil de production, de son matériau historique, la tôle
emboutie, et de son esthétique industrielle. C’est ce savoir-faire
renouvelé a permis à l’entreprise bourguignonne de développer son outil
industriel dans sa région d’origine et de partir à la conquête des
marchés étrangers.
La première relance de Solex sur le marché français, opérée par le groupe Cible
à partir de 2004, n’avait sans doute pas suffisamment respecté les
codes de la marque, dont les derniers modèles étaient sortis de l’usine
de MBK de Courbevoie en 1988. Pas tellement en raison
du choix de l’électrique, mais plutôt parce que le public ne comprenait
pas que ce fleuron du patrimoine français soit fabriqué en Chine avec
des matériaux de moindre qualité par rapport aux standards historiques
de la marque. La relance opérée par Easybike, à partir
de 2013, a gardé ce parti-pris du vélo à assistance électrique qui
correspondait bien aux nouvelles attentes des usagers et aux enjeux
environnementaux. Le nouveau propriétaire mais s’est attachée à faire
monter en gamme le nouveau Solex et à doubler la relance commerciale d’un projet de relocalisation industrielle en France.
Magnifier l’héritage
Le nombre des années n’est pas forcément un obstacle à la relance d’une marque. La fabrique de cire Trudon, née en 1643 et devenue manufacture royale en 1737, avait fourni Versailles jusqu’aux derniers moments de la royauté. La qualité de sa cire lui avait permis de traverser la révolution française et même de survivre à l’arrivée du gaz et de l’électricité… avant de tomber dans l’anonymat pendant tout le XXe siècle. Même si la marque avait disparu dans l’esprit du public, l’entreprise avait pourtant continué à fabriquer des bougies pour les églises et les plus grandes marques françaises et internationales. C’est sur ce savoir-faire séculaire et toujours entretenu que s’est appuyée la relance engagée à partir de 2007 par Olivier Blondeau, son propriétaire depuis 1989. Le créateur Ramdane Touhami a puisé dans les codes de la manufacture pour faire renaître son héritage. Sous la marque Cire Trudon, l’entreprise s’est spécialisée dans la parfumerie d’intérieur haut de gamme avec des gammes de bougies parfumées mises au point par des nez reconnus et proposées sous d’élégantes cloches.
L’aura d’une marque est parfois telle que la perspective de son retour suffit à la faire renaître. L’Alpine Renault avait marqué l’histoire du rallye automobile dans les années 70, avant de disparaître en 1995. L’annonce de sa relance tient les amoureux de la marque bleue en haleine depuis 2011, malgré les nombreuses vicissitudes qui ont entravé son retour : le britannique Caterham s’est finalement retiré du projet et Carlos Tavares, à l’origine de la relance, est passé de Renault chez PSA… Leur patience devrait pourtant être récompensée puisque Renault a confirmé le lancement à partir de fin 2016 d’une ligne Alpine avec deux véhicules dotés d’une technologie moderne et de finitions haut de gamme. Toujours nerveuses, les petites berlines promettent déjà de partir à l’assaut du marché international !
Emma Duchatot
Capture d'écran: http://www.influencia.net/fr |
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