Publié le 22/01/2016 http://www.lesechos.fr
A l’occasion du Forum international de Davos, John Defterios, journaliste spécialiste des marchés émergents sur CNN International, livre son analyse sur la sortie de l’Iran de son isolement.
A l’occasion du Forum international de Davos, John Defterios, journaliste spécialiste des marchés émergents sur CNN International, livre son analyse sur la sortie de l’Iran de son isolement.
Après une décennie d’isolement, le dernier
grand marché frontière est sur le point de devenir accessible au reste
du monde. Il y a deux ans, ici-même à Davos, le président iranien Hassan
Rouhani exposait à un hémicycle plein à craquer le souhait de son pays
de sortir de l’ombre des sanctions et en illustrait tous les attraits. Le 16 janvier dernier, l’accord sur le programme nucléaire iranien est finalement entré en vigueur.
C’est au peuple iranien que le président
doit maintenant démontrer l’opportunité qui se présente après des années
de sacrifice et d’isolement. Au plus haut des sanctions entre 2011 et
2014, le revenu par habitant a chuté de plus de 20 %, atteignant à
peine plus de 5300 dollars. Le Rial iranien s’est même une fois écroulé
de 80 %, le prix des produits de base montant en flèche et l’économie
traversant une période d’hyperinflation.
En
plus des difficultés économiques, alors que les autres pays producteurs
de pétrole du Moyen-Orient ont joui pendant trois ans d’un prix record
du baril à 100 dollars, les sanctions énergétiques ont coûté à Téhéran
une perte annuelle de revenus d’environ 50 milliards de dollars.
« L’Allemagne du Moyen-Orient »
L’impatience
de l’Iran à tourner une nouvelle page a été mise en évidence le weekend
dernier par les premiers mots prononcés par le ministre des affaires
étrangères Mohammad Javad Zarif : « C’est maintenant le moment de
l’engagement économique ». Le premier point à l’ordre du jour est
d’accéder aux quelques 100 milliards de dollars d’avoirs gelés (avant
les élections parlementaires fin février) afin d’accélérer la
reconstruction de cette économie qui pourrait potentiellement devenir
« l’Allemagne du Moyen-Orient ».
L’Iran
possède une force de travail similaire à celle du moteur de l’Europe,
une population jeune et très instruite ainsi qu’une base manufacturière
étonnamment solide. Il possède en outre l’avantage d’être situé au
carrefour de l’Asie et de l’Union Européenne. Il est déjà le troisième
plus gros exportateur mondial de fer et ses ventes automobiles,
dernièrement vacillantes en raison des sanctions économiques, prévoient
de doubler pour atteindre les deux millions de véhicules vendus chaque
année d’ici 2020.
Et ce n’est fini. Cela ne
fait même que commencer. À la différence de l’Allemagne, l’Iran jouit
de ressources naturelles. Avant même que des explorations approfondies
n’aient été conduites, ses réserves en minéraux sont évaluées à 7 % des
réserves mondiales, avec le plomb en tête de liste.
Des réserves gigantesques de pétrole et de gaz
En
1902, l’Iran fut le premier pays du Moyen-Orient à découvrir du
pétrole. Avec 157 milliards de barils, il possède 9 % des réserves
prouvées et se place au deuxième rang de la région derrière son grand
rival, l’Arabie Saoudite.
Ce sera
cependant le gaz naturel qui transformera le paysage iranien. Le pays
est assis aujourd’hui sur 18 % des réserves mondiales de gaz dont il
partage le plus grand gisement du monde avec son voisin le Qatar. Le
ministre adjoint du Pétrole, Amir Zamaninia, a déclaré à CNN que le pays
possédait, dans l’enceinte de ses eaux territoriales, trois gisements
supplémentaires de la taille de South Pars en attente d’exploitation.
L’Iran
est peut-être riche en ressources mais les sanctions l’ont rendu pauvre
en liquidités. Au cours des cinq prochaines années, il souhaite
investir 185 millions de dollars dans le seul secteur de l’énergie. En
décembre dernier, le ministre du Pétrole Bijan Zaganeh a dévoilé la
première phase de cette démarche.
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Il
s’agit maintenant de savoir à quel point les clauses du contrat seront
avantageuses et, grande inconnue, si le prix du pétrole sera
suffisamment attrayant pour les grosses compagnies pétrolières
internationales (la COI). Ces dernières ont déjà annulé 400 milliards de
dollars de projets phares, essentiellement à cause de la chute du baril
au-dessous de 30 dollars.
Reconstruire l’infrastructure du pays
Des
cadres dirigeants de la National Iranian Oil Company m’ont affirmé ne
pas se sentir affectés par cette baisse. Ils restent convaincus qu’étant
probablement le dernier gros producteur de pétrole à faibles coûts
encore non exploité, les investissements occidentaux vont arriver.
Les
leaders iraniens ont bien conscience que le succès est étroitement lié à
la monétisation de leurs richesses naturelles afin de reconstruire
l’infrastructure du pays et créer des emplois et une confiance nationale
de manière significative.
La banque
Mondiale et l’Institut de la finance internationale pensent tous deux
que la croissance de l’Iran pourra dépasser les 6 % au cours des années
qui suivront la levée des sanctions. Des incidents peuvent cependant
survenir en chemin. Il faudra maintenir la puissante garde
révolutionnaire qui détient des parts importantes dans les affaires et
peut encore tenter de faire dérailler un accord à long terme. La future
présidence américaine en 2017 peut très bien ne pas ressembler au duo
Obama-Kerry, soucieux de sécuriser l’accord.
Mais
ce n’est pas ici, à Davos, que les cadres dirigeants laisseront perdre
la prime potentielle pour les plus grosses sociétés du monde. L’Iran a
besoin de tous : avions, production électrique, réseaux de
communications haut-débit, hôtels, et bien plus encore. Il y a deux ou
trois ans, le Président Rouhani dessinait les contours d’un futur qui,
après une décennie de crise économique subie par la population
iranienne, est maintenant arrivé.
John Defterios
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