«De banquier d’affaires à entrepreneur: vous créez votre rôle au fur et à mesure que vous avancez»
Par Damien Catani, fondateur de goalmap. (2/2)
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Lorsque l'on devient entrepreneur, le changement de vie peut être rude.
Pourtant, créer une start-up, «c’est revivre. On n’arrête pas
d’apprendre et c’est hyper-stimulant», confie Damien Catani, cet ancien
banquier d'affaire devenu créateur d'entreprise. Après un premier épisode sur FrenchWeb, le fondateur de goalmap achève le récit de son aventure…
Lire aussi : «Pourquoi j’ai quitté la banque d’affaires pour rejoindre l’entreprenariat»
Mobile first
En finance, le travail, qu’il s’agisse de modélisation financière sur Excel ou de présentations PowerPoint, s’accomplit essentiellement sur desktop. C’était sur ce format que j’avais développé mon fichier Excel. Ce n’est pas le BlackBerry
dont me munissait mon employeur qui m’a aidé à découvrir le monde des
applications mobiles. On a donc commencé naturellement par un website.
La sentence a été sévère. On a plafonné à 2 ou 3 nouveaux comptes créés
par jour et 500 utilisateurs au total, tous inactifs à part l’équipe !
Le feedback était unanime : tout le monde voulait une
application mobile. C’est donc après un gros détour que nous avons
redécouvert le pourtant fameux précepte mobile first. On s’est
donc attelé à développer une application et cette fois les choses se
sont mieux passées. En quelques semaines, sans faire de publicité, nous
avions les 10 000 comptes créés en ligne de mire. Pas de quoi crier
victoire mais la différence était claire.
Qui a deux maisons perd la raison
Aujourd’hui, on peut tout faire à distance, créer un projet avec des discussions sur Skype,
gérer ses tâches sur JIRA, sans bureau, chacun dans son coin, parfois
même sans se rencontrer, etc. C’est comme ça qu’on a commencé. Moi dans
un pays, les développeurs étudiants dans un autre, à temps partiel sur
le projet, parfois pris par les exams, le designer dans un troisième
pays, etc. Ca avançait mais c’était parfois laborieux, avec des tensions
parfois exacerbées par la communication à distance. On s’est finalement
tous retrouvés en mai dernier pour trois jours de travail ensemble au
même endroit. On a plus avancé en trois jours que jusque-là en trois
mois, et la dynamique créée a perduré.
Le travail à distance, c’est pratique, ça peut marcher dans une
certaine mesure si l’on se connaît, si l’on se fait confiance, et si
l’on a l’habitude de travailler ensemble. Mais c’est important d’avoir
une base. Forts de cette conviction, on s’est installé dans une
pépinière d’entreprises avec deux membres de l’équipe à temps plein.
Mieux vaut deux personnes à plein temps qu’une dizaine à temps partiel.
Travailler plus pour gagner moins
En banque d’affaires, les horaires sont lourds, mais la rémunération
est en conséquent, avec un salaire élevé et un bonus annuel représentant
plus que le salaire fixe de toute l’année. En start-up, on donne
énormément de soi-même. On ne s’arrête pas d’y penser une fois rentré
chez soi. Le tout pour un gain financier nul ou négligeable. Beaucoup de
personnes d’ailleurs qui ont commencé leurs carrières dans des métiers corporate
bien payés – banquier, consultant en stratégie, avocat d’affaires –
sont réticentes à un changement de carrière qui impliquerait du jour au
lendemain une perte significative de pouvoir d’achat.
L’entrepreneuriat n’a du sens que dans une perspective plus large. Si vous le faites pour l'argent en rêvant de devenir une unicorn,
vous êtes sur la mauvaise voie, ce ne sera pas un moteur suffisant.
L'équation ne va pas fonctionner. En revanche, si vous êtes passionnés
par votre projet, tout sera plus facile, vous aurez cette étoile polaire
qui brille au loin et guide vos pas. Vous donnerez certes beaucoup de
votre temps, de votre énergie, voire de votre argent, mais en retour
vous apprendrez énormément, vous serez complètement engagés dans ce que
vous faites et vous aurez la rare satisfaction d'aligner ce que vous
faites au quotidien avec qui vous êtes.
«On se lasse de tout, excepté d'apprendre», Virgile
En finance, la courbe d’apprentissage est raide au démarrage. On
apprend beaucoup techniquement, sur le point de vue théorique et sur la
maîtrise des outils. Découvrir Excel fut une véritable
épiphanie ! Puis on apprend à planifier et gérer des projets, à
coordonner des personnes en interne ou en externe. Puis la courbe
d’apprentissage s’aplatit peu à peu et la technique cède le pas à la
politique, ce qui n’est pas sans intérêt mais devient vite répétitif. La
finance ne couvre qu’une petite partie de la chaîne de valeur d’une
entreprise. En start-up ce n’est pas la même histoire ! On doit
apprendre très vite un tas de choses, et de manière continue. Les frameworks de design, ceux du développement, les techniques de marketing pour lancer son application, le référencement, le business development, la création de l’entreprise, la rédaction des statuts, le pacte d’actionnaires, la comptabilité, les pitches,
les levées des fonds, la mise en place de processus, le recrutement,
etc. Sur tous les sujets, sans jamais devenir expert, vous devez en
savoir assez et surtout assez vite pour prendre des décisions rapides.
Personnellement, je commençais à m’ennuyer de réutiliser constamment des
choses que je connaissais déjà. Créer une start-up, c’était revivre. On
n’arrête pas d’apprendre et c’est hyper-stimulant !
Jouer au yo-yo émotionnel
Dans un métier ordinaire, les fonctions et interactions des employés
sont régulées par les titres et l'organigramme. La chorégraphie est plus
ou moins connue d'avance. Il peut y avoir des pics d’activité ou de
stress mais bon an, mal an, les choses suivent leur cours, le niveau de
satisfaction est assez stable, pas très haut généralement mais
supportable. Chacun occupe un rôle bien défini dans la grande ruche et
personne n’est irremplaçable. En start-up c’est différent. La ruche,
c’est vous qui êtes en train de la construire à partir de zéro. Vous
n’occupez pas un poste déjà défini, vous créez votre rôle au fur et à
mesure que vous avancez. Le degré d’implication est hyper-élevé, et on
vit tout à fleur de peau. La stabilité d’humeur laisse place aux
montagnes russes émotionnelles.
Le jour où vous passez de 50 à 200 téléchargements par jour parce qu’un
blog parle de votre appli, vous êtes survoltés comme jamais et vos amis
vous soupçonnent d’avoir pris des amphétamines. Le jour par contre où
la personne avec qui vous vouliez discuter d’un partenariat repousse le
rendez-vous parce qu’elle est sous l’eau, vous voyez tout en noir et
êtes à deux doigts de vous jeter sous un train.
Attachez vos ceintures ! S’il y aura des moments de joie immenses, le
parcours est long et reste semé d'embûches. Ce n’est pas un sprint.
C’est plutôt un 3 000 mètres steeple. La résilience est clef !
Voilà donc les premiers enseignements tirés de ce début d’aventure
start-up. Il y en aura certainement beaucoup d’autres au long du
parcours. L’idée ici était de partager ces premières observations à
chaud en espérant qu’elles motivent ceux qui sont sur le point de se
lancer, réconfortent ceux qui viennent de démarrer, et rappellent de
vieux souvenirs à ceux qui sont passés par là il y a longtemps déjà.
Démarrer une start-up n'est certes pas une promenade de santé, mais si
c’était le cas, ce serait beaucoup moins drôle !
- A propos
Damien Catani a commencé sa carrière en banque d’affaires. Il y prend vite conscience de la valeur de l’équilibre de vie et développe alors une méthode pour ne pas perdre de vue ses objectifs personnels. Puis, il y a un peu plus d’un an, il monte une petite équipe et fonde une start-up pour partager cette méthode et cette passion grâce à goalmap, une application mobile pour se fixer des objectifs et les atteindre (disponible gratuitement sur iOS et Android).
Crédit photo: Fotolia, banque d’images, vecteurs et videos libres de droits
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