Votre mission, si vous l'acceptez
Publié le 18/04/2016 http://www.influencia.net/fr
Au moment où les modes d’achat
sont devenus totalement transversaux, la segmentation shopper ouvre un
champ d’analyse, encore en construction, tout à fait essentiel pour
comprendre et traquer les comportements au sein de parcours multicanaux.
Aucune marque ou enseigne ne peut
aujourd’hui se permettre de négliger ce point de contact qu’est le
shopper. Si nous sommes tous consommateurs et shoppers à différents
moments de notre vie, la segmentation sociodémographique qui permet de
cerner le consommateur se révèle difficile à manœuvrer dès lors qu’on
l’envisage dans un processus d’achat. « Mesurer du comportemental
revient à se rapprocher d’indicateurs business autour de la valeur
générée par le client. Une marque peut avoir une segmentation très large
et des sous-segments plus tactiques pour actionner une stratégie go to
market », fait valoir Nicolas Glady, professeur à l’Essec. Même constat du côté d’Éric Montazel, Managing Director Retail & Shopper chez TNS Sofres : « Toutes
les enseignes finissent par avoir à peu près le même type de shoppers.
Et, surtout, une même catégorie sociodémo va avoir des comportements
différents selon les circonstances. »
Offrir le shopping sans effort
La disposition d’esprit du shopper et le
but de la visite en magasin (la shopping mission) illustrent davantage
le chiffre d’affaires du point de vente, quel que soit le type de
commerce. Au début de son parcours, le shopper est plus ou moins décidé
sur ce qu’il veut acheter. Si les galeries commerciales sont propices au
butinage, à la découverte de produits et à l’achat impulsif, faire ses
courses alimentaires reste souvent une corvée. Parcours et attentes
divergent aussi selon le but, un produit ménager ou bien un cadeau… Les
enseignes doivent permettre à celui qui sait ce qu’il cherche de le
trouver, et proposer un rayon clair et inspirant à celui qui cherche…
une idée.
« Les mythes ont la vie dure, mais
casser les rayons et les codes est souvent un échec total. Le client qui
trouve son produit en dix secondes est plus disponible pour un autre
achat. Si le rayon est hermétique, il est découragé et tenté de renoncer », précise Éric Montazel. De fait, un quart de la liste des courses ne finit pas dans le panier ! « Beaucoup
d’enseignes ont des progrès à faire avec les courses de dépannage, sur
le modèle de ce qui a été fait avec les espaces déportés pour le
snacking », note-t-il.
L’accessibilité est d’autant plus
cruciale pour les enseignes physiques que le e-commerce a beaucoup
fluidifié ses propres parcours. Selon le baromètre AFRC (Association
française de la relation client) de l’effort client, 74 % des achats sur
les sites marchands ne requièrent en 2015 aucun effort particulier pour
l’internaute. Les marques qui maîtrisent leur réseau de distribution
physique peuvent agir plus facilement sur ce critère. Tout en
développant ses canaux digitaux et mobiles, Nespresso a
abandonné la vente 100 % assistée en boutique et propose des solutions
de libre-service à ses clients les plus pressés. Ikea signale désormais
les raccourcis dans le parcours client, autrefois réservés aux seuls
connaisseurs de ses magasins.
Faire parler les parcours online
« Si on attend d’agir sur le shopper en magasin, c’est trop tard, car il a déjà fait des recherches sur Internet », rappelle toutefois Samir Amellal, directeur du pôle data intelligence de Publicis ETO.
L’archétype qui veut que 70 % de l’achat se fassent au point de vente
est aujourd’hui largement obsolète ! Pour adresser une catégorie de
shoppers indépendamment du canal fréquenté, Publicis ETO
a construit des modèles intégrant des données issues de la navigation
Internet, des enseignes de distribution et de l’open data. « Cette
segmentation polymorphe se construit selon plusieurs axes : des
caractéristiques relativement figées comme la CSP, le pouvoir d’achat ou
les zones de chalandise fréquentées, des éléments contextuels comme la
météo, qui influence la propension à se rendre en magasin, mais aussi
des éléments relationnels. Dans un foyer, il y a souvent une personne
chargée des courses d’appoint », détaille-t-il.
La segmentation shopper permet aussi
d’adapter les prises de parole, notamment pour les produits à faible
fréquence d’achat. Dans l’automobile, les renouvellements se font en
moyenne tous les quatre à sept ans. « Il faut pouvoir passer d’une
communication transactionnelle à une communication relationnelle autour
des centres d’intérêt, fait valoir Samir Amellal. Au bout du cycle, la
marque peut reparler au client de ses nouvelles gammes. »
S'inspirer en co-construisant
Toutes les marques et les enseignes ne
sont pas au même niveau de maturité dans leur approche du shopper
marketing. Beaucoup ont d’ailleurs refusé de nous répondre ! « Le champ d’analyse est en construction, reconnaît Véronique Noël, directrice Shopper & Customer Marketing de Beiersdorf France et Belgique. Ces
réflexions créent des relations extrêmement riches avec la
distribution. Même si les leviers que les marques et les enseignes
souhaitent activer ne sont pas toujours les mêmes, nous sommes
énormément dans la co-construction. » À chaque type de produit, ses
besoins. Pour un soin du visage, Nivea s’attache par exemple à
clarifier l’offre, le conseil galénique ou le packaging. Elle mise
plutôt sur la reconnaissance du pack, le code coloriel, le bon
emplacement et la non-rupture en rayon pour un déodorant, dont l’achat
est plus routinier.
Si la transversalité de sa gamme amène Nivea à
proposer au shopper une vision globale de l’hygiène-beauté, la marque
se projette au-delà de son périmètre naturel, comme l’explique Véronique Noël : « Nos
clients arbitrent entre différentes zones qui proposent des produits
d’hygiène-beauté, les espaces parapharmacie de la grande distribution,
les pharmacies… Nous devons sans cesse nous interroger sur la manière
dont nos shoppers sont nourris et impactés par la dynamique des autres
circuits. Cet œil extérieur et averti peut aussi aider la distribution à
trouver des clés pour travailler le shopper qui n’est pas dans son
circuit. »
Les services gagnent aussi à s’emparer
de cette approche. C’est en sondant les comportements de ses clients,
des abandonnistes et des non-clients, que Havas Voyages s’est interrogée sur ce que l’on attend aujourd’hui d’une agence de voyages. «
Il y avait un enjeu fort à réinventer l’expérience client dans un prisme
omnicanal, d’autant que nous vendons un produit virtuel avec un panier
élevé et une date de réalisation souvent lointaine, souligne Emmanuelle Bach Donnard, directrice marketing et communication. Nos
parcours doivent inciter le shopper à se projeter dans son voyage grâce
à des éléments d’inspiration et une promesse d’accompagnement des
travel planners, qui ont été formés à un référentiel client plus premium.
» Une agence pilote à Paris a inauguré, avant l’été, cette stratégie,
qui sera déployée jusqu’en 2019. Résultats : une hausse de 30 % du
panier moyen par rapport à 2014 et aux autres agences parisiennes. Début
2016, des solutions de co-construction amèneront plus de fluidité dans
les outils. Puis la nouvelle solution de CRM permettra d’identifier le
client, et donc toutes les étapes de son parcours. « Nous n’en
sommes pas encore à l’étape de la segmentation shopper au sens strict,
mais les éléments mis en place vont permettre de commencer à y
réfléchir », indique Emmanuelle Bach Donnard.
Pour comprendre ce qui influence l’acte d’achat dans les parcours on et offline, Beiersdorf a pour sa part lancé une série d’études quali pour affiner sa stratégie d’ici à mi-2016. « Il
y a dans le search une sorte de repérage inconscient d’un achat futur,
qui peut être un levier d’activation en amont de l’achat. Nous sommes
encore au début de la réflexion, mais il est important d’intégrer tous
les leviers qui, in fine, influenceront vraiment l’acte d’achat », affirme Véronique Noël.
Le département systèmes d’information et d’aide à la décision de HEC
a étudié l’impact sur le comportement d’achat des traits de
personnalité du consommateur : altruisme, éthique, anxiété, conformité,
dominance, besoin de sensations fortes… Autant d’éléments qui
permettront progressivement d’y voir plus clair dans la complexité des
choix de consommation !
Illustrations : Elvire Caillon
INFluencia et Maddyness soutiennent le Grand prix jeunes créateurs du commerce par Unibail-Rodamco
Pour en savoir plus cliquez sur l'image
Christine Monfort
Journaliste économique
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.