A quoi ressemblera l'entreprise en 2030
Enthousiasmant et enthousiaste lui-même, Joël de Rosnay a ouvert le iMedia Brand Summit avec une conférence sur le futur de l’entreprise. Inspirant.
Comparant volontiers l’entrepreneuriat au surf, Joël de Rosnay, invité d’honneur du iMedia Brand Summit,
a donné quelques conseils aux patrons et aux entrepreneurs de demain.
Tenez-vous le pour dit : l’entreprise du futur sera résolument humaine
et digitale. Le maître-mot des succès à venir : la symbiose.
Compliqué à accomplir ? Pas tant que ça.
Le principal conseil donné par le Docteur, c’est de se faire plaisir.
La notion de risque ne doit pas être prise au sens négatif du terme : il
faut savoir s’adapter, surveiller son environnement pour bouger en
temps réel. Dans la société fluide bâtie par le numérique, le pouvoir
est transversal, l’accélération permanente et le déséquilibre
nécessaire.
-
Oubliez Internet : pensez écosystèmes !
Internet ? C’est déjà derrière nous. Nous sommes aujourd’hui dans un écosystème numérique :
tout est connecté. Le numérique fusionne avec l’énergie, la production,
la santé… L’environnement change, et internet permet une nouvelle
interopérabilité.
Mais à coup d’IoT, ce
n’est pas que la réalité qui est augmentée : les hommes et les femmes de
demain le seront aussi – voire le sont déjà… Nos yeux et notre cerveau
ont accès à des éléments qui n’existent pas de façon tangible. La réalité virtuelle va, paradoxalement, nous aider à mieux voir, et à agir sur un monde que nous ne voyons pas sans aide.
Le numérique augmente nos sens : nous en avions 5, nous en avons désormais une dizaine : orientation (GPS), ubiquité (webcam),…
-
Qui sont les disrupteurs ?
Appelez-les comme vous voulez : millenials,
Génération Y, NetGen, MHB (Mutants Hybrides Bionumériques Géolocalisés)
ou encore tribu des IKWIWAIWIN (I Know What I Want And I Want It Now)… Bref,
tous ceux qui avaient entre 5 et 10 ans au tournant de l’an 2000 et qui
représentent cette nouvelle génération pressée… de changer la société.
Ce sont eux qui permettent de créer une société collaborative. Leur
secret ? La disruption. Co-économie, partage, personnalisation… Bien
loin des valeurs d’égoïsme et de solitude que l’on veut leur faire
porter, les millenials permettent le passage d’une société de
l’information à une société de la recommandation, qui s’illustre dans
toutes les entreprises « ubérisantes ».
-
En route vers une démocratie énergétique
Il ne s’agit plus de trouver des énergies alternatives,
mais de savoir les combiner. En compensant les énergies intermittentes
que sont le soleil ou le vent, par exemple, par des énergies permanentes
(celles des vagues ou la géothermie), les ressources en énergie seront
plus puissantes et mieux utilisées. Joël de Rosnay parle de l’émergence
d’un « EnerNet », un futur où les gens pourront effectuer, entre eux,
des transactions sécurisées d’énergie grâce aux smart grids, comme c’est
déjà le cas dans certaines parties du monde (Brooklyn). Les bâtiments à
énergie positive, qui produise plus d’énergie qu’ils n’en consomment,
seront légion. Mais l’énergie et le numérique, c’est aussi la question
de la transmobilité. Les villes devront s’adapter : car qui dit voiture intelligente, dit route intelligente, et ville intelligente.
-
L’industrie 5.0
Plutôt que d’imprimantes 3D, Joël de Rosnay préfère parler de MUP : des Micro-Usines Personnalisées.
Ces machines, qui permettent de fabriquer des produits très variés,
pourront à l’avenir utiliser des cellules vivantes plutôt que des
matériaux et ainsi produire de la peau ou des organes. Un réel
bouleversement pour les entreprises de 2030, qui pourront opérer une
coproduction décentralisée. Les makers (ou doers) créeront des micro-entreprises entre
eux, et se fédéreront dans des coopératives d’indépendants qui seront
gérées par des plateformes chargées de faire la mise en relation entre
l’offre et la demande.
-
Numérique et santé
Vous pensiez les selfies futiles ? Découvre le healthfie, qui pourrait permettre, notamment au sein d’un TBSP (Tableau de Bord Santé Personnalisé), d’avoir
un bilan en temps réel sur la manière dont vous adaptez votre nutrition
et vos activités à votre vie. Le rapport avec l’entreprise de 2030 ? Il
va devenir de plus en plus important de protéger le capital santé. Les
initiatives se multiplient sur le sujet : GoogleFit, HealthKit (Apple),
Microsoft HealthVault,…
-
Vers une entreprise fluide
On le dit, on le répète, on le martèle à toutes les sauces : le modèle pyramidal est mort.
Du moins, il s’aplatit. Les objets connectés changent les relations aux
autres, mais aussi aux outils, et la robotique, les algorithmes et les
intelligences artificielles font leur entrée dans les organisations.
Joël de Rosnay souligne
aussi le décalage entre nos propres outils et ceux dont nous disposons
au bureau. Le résultat : c’est qu’on s’offre souvent du matériel plus
performant que celui à notre disposition, et que la tendance du BYOD
(Bring Your Own Device) a tendance à se développer. A l’heure de la
mobilité, quoi de plus logique ?
Question éducation, on oublie la
tradition : les MOOCs pourraient bien révolutionner le tout. La big data
va permettre à des systèmes d’experts d’extraire l’information, mais
aussi aux élèves de correspondre entre eux et de se co-évaluer.
-
Trop d’infos, pas assez de temps
Le risque, dans cet univers ultra
connecté, c’est de ne pas réussir à se débrancher… A l’heure où nous
sommes confrontés à deux contraintes antinomiques (la pléthore
d’informations et la rareté du temps), les burn-out font des ravages. Le
secret : apprendre à gérer son temps pour prendre le temps de faire les
choses. Le secret pour y parvenir ? On y travaille encore…
-
Savoir s’adapter
Joël de Rosnay prévoit
la fin du salariat. D’ici 2030, 44 millions d’Américains travailleront
en indépendants sur une base hebdomadaire régulière. Aujourd’hui, les
millenials représentent déjà 30% d’entre eux. Qui dit nouveaux modèles
de salariés, dit nouvelles structures, et nouveau management. Il ne
s’agira plus d’un management centralisé ou de contrôle, mais de
communication, de partage et de confiance. Pour que l’entreprise puisse
s’adapter à cette révolution, il faudra accepter le passage d’un monde
de rapports de force (syndicats vs patronat) à des rapports de flux. Les
situations bloquées qui ne peuvent être résolues que par une escalade
dangereuse laisseront la place à des échanges d’informations, de
connaissances, mais aussi financiers. Il ne sera plus question de hauts
et de bas, mais d’un niveau constant, pas statique pour autant puisqu’il
s’établira sur ce que l’on donne et ce que l’on reçoit. Plus que
jamais, l’open sera de rigueur : plus d’entre soi ou de secrets de
marché.
Il faudra, évidemment, repenser les
profils : faire confiance aux directeurs de l’intégration numérique et
oublier les DSI, utiliser les algorithmes de productivité, embrasser les
CRM numériques…
La culture numérique, ce n’est pas
utiliser un seul outil numérique de façon verticale. C’est une culture
transgénérationnelle, qui doit être l’affaire de toute l’entreprise. Le
manager augmenté de demain saura travailler avec ses salariés, composer
le lien social, miser sur les jeunes pour s’imprégner d’une culture
nécessaire, mais aussi sur les femmes. Cette prédiction sonne le glas
des entreprises qui n’y parviendront pas : il faudra intégrer au moins
50% de femmes aux comités exécutifs sous risque de disparaître…
Enfin, Joël de Rosnay nous donne
quelques valeurs pour manager correctement l’entreprise fluide dont il
rêve pour demain : partage et formation, solidarité et générosité,
empathie et altruisme, respect des diversités, respect des autres,
éthiques et entrepreneuriat, et surtout comprendre, vouloir, aimer et
construire l’avenir plutôt que de le subir.
A méditer.
©Photos : Anne-Emmanuelle Thion
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.