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L’intérim à la française : chronique d’une mort annoncée
Face à trois géants mondiaux qui sont en passe de réussir
leur transformation digitale, l'intérim français traditionnel risque de
connaître des jours sombres. Qu'il s'agisse des start-up ou des réseaux
classiques. A moins que...
Avec plus de 60% du marché de l’intérim en France (2015) et
un chiffre d’affaires global du secteur en croissance, les 3 leaders de
l’intérim en France que sont Adecco, Manpower et Randstad auraient pu se
contenter de vivre sur leurs acquis. Il semble néanmoins que leur leadership
soit fortement contesté par des challengers, regroupés en réseau (Aprime,
Coalys, Domitis, Reseo) qui leur grignotent petit à petit des parts de marché.
Mais depuis 2016, un nouveau front s’est ouvert
brutalement avec l’arrivée du digital et des ubérisateurs de l’emploi qui
veulent "ringardiser l’intérim". Il est vrai que ce secteur a peu
évolué depuis 50 ans. L’agressivité des nouveaux entrants pourrait changer la
donne sur le marché du travail temporaire et cela nécessitait une réponse à la
hauteur de la part des 3 leaders du secteur. Elle ne s’est pas fait attendre.
Il suffit de passer sur l’autoroute A86 et de constater les grandes affiches
sur le siège social de Randstad (face au Stade de France) pour comprendre tous
les enjeux que revêt la stratégie digitale du Groupe néerlandais. Après le
rachat de Monster, le lancement de Randstad direct et depuis le 4 avril, le rapprochement avec CornerJob, l’ambition n’est pas dans une défense de ses
positions historiques mais plutôt dans l’offensive et le développement de ses
services vers les TPE et les PME.
Adecco adopte la même
ambition et poursuit une digitalisation à marche forcée. Mais le suisse se
lance aussi dans la conquête du marché du CDD et des groupements d’employeurs
en créant des pôles de compétences partagées par bassin d'emploi. Il s’agit de
regrouper cinq à six entreprises aux besoins de mains d'œuvre communs et qui
emploient, ensemble, un groupe de 50 à 100 CDI intérimaires.
La stratégie
digitale de Manpower est actuellement moins visible mais il semble indéniable
que le Groupe Américain prépare une riposte à la hauteur des 2 autres
participants au podium du marché de l’intérim français.
On peut donc
s'interroger sur l'avenir des challengers français dans ce nouveau
contexte de digitalisation de l'emploi. Sont-ils en mesure de rivaliser ?
Disposent-ils des facteurs pour réussir leur transition technologique,
alors que pendant longtemps, le savoir-faire d'une agence d'emploi
résidait essentiellement dans sa capacité à proposer au plus vite des
candidats qualifiés en réponse à des besoins ponctuels ou pour faire
face à une hausse de l'activité ?
La digitalisation du secteur va rebattre les cartes et la
légitimité de nombreux acteurs acquise après des années de travail va être
fortement remise en question. La stratégie des 3 leaders du secteur, aux gros
budgets de communication vise désormais les TPE et les PME.
Les acteurs traditionnels
se voient donc directement concurrencer sur leur cible de clientèle que les
groupes suisses, américains et hollandais avaient longtemps délaissée. Les
coûts commerciaux sont désormais beaucoup plus faibles, grâce au digital.
Les
acteurs traditionnels de l’intérim à la française ne semblent pourtant pas
lutter à armes égales. Ils auront sans doute du mal à défendre leurs positions
et la rapidité opérée généralement dans la transition numérique d’un secteur nous
laisse envisager des difficultés pour de nombreux réseaux ou agences d’emploi
dans les 3 ou 4 prochains semestres.
Mais du côté des nouveaux
entrants, la bataille est loin d'être gagnée. La verticalisation de
Randstad (Randstad, Randstad direct, CornerJob) va rendre moins
accessible le ticket d'entrée.
Les récentes
levées de fonds annoncées par les entreprises actives dans le
recrutement digital semblent insuffisantes au regard des moyens
nécessaires pour rivaliser avec les grands groupes internationaux. Ces
dernières ne pourraient avoir d'autres choix que de proposer des
modèles low cost. Avec en conséquence moins de protection sociale et une remise en question du salariat pourtant tant apprécié de la majorité des travailleurs français.
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