Source et capture d'écran: http://www.frenchweb.fr
Non, la France ne doit pas devenir une start-up
Mehdi Medjaoui, cofondateur de Webshell et des conférences OAuth.io et APIdays.io http://www.frenchweb.fr
Par le 19 juin 2017 http://www.frenchweb.fr Mehdi Medjaoui
A Vivatech, Jeudi 15 juin, Emmanuel Macron dans son discours sur la
politique d’innovation de la France, annonçant par là même 10 milliards
d’euros d’investissement, a prononcé ces mots en apparence modernes:
«I want France to be a start-up nation. A nation that thinks and
moves like a start-up.» (Je veux que la France soit une nation start-up.
Une nation qui pense et agit comme une start-up.)
Voici le lien du discours
en entier pour ceux qui veulent aller plus loin que la phrase, mais cet
article prend en compte tout le discours qui a été prononcé.
C’est selon moi la phrase qui résume le mieux le «manque
d’idéologie» d’Emmanuel Macron, qu’on lui reproche depuis des mois et
que l’on voit bien avec ses candidats aux législatives…. et je vais
expliquer rapidement en quoi cette phrase (et tout le discours derrière
par la même) est dangereuse pour la République Française. Car c’est la
pire chose qu’il puisse arriver pour la France d’être une nation
start-up, qui pense et agit comme une start-up, c’est-à-dire la
politique du pivot permanent.
Car 90% des start-up meurent dans les 5 premières années, à cause de
leur modèle à très haut risque financier et basé sur l’hyper-croissance.
On ne peut pas prendre en otage toute une Nation sur un modèle fait
pour être ephemère, sur un modèle darwinien (en) marche ou crève.
La France n’est pas une start-up, elle a déjà son modèle
Non, la France n’est pas une start-up, c’est-à-dire une organisation temporaire en recherche de modèle de croissance et de revenus, comme le définit Steve Blank,
l’un des pionniers à théoriser la mentalité start-up dans la Silicon
Valley. La France est une nation multi-centenaires, dont le modèle
«liberté égalité fraternité» est universel, universaliste et résonne
pour l’éternité. Elle n’est plus en recherche de modèle. Elle est dans
l’exécution de ce modèle depuis 220 ans.
Non, la France n’est pas une start-up, détenue par un petit nombre d’actionnaires et des fonds d’investissements non élus,
autorisés à faire des choix unilatéraux sans contre pouvoir qui
s’imposent pour tout le groupe. La France est une nation démocratique,
souveraine, dont les représentants sont du peuple, élus par le peuple,
pour le peuple et qui cherche la séparation et l’équilibre des pouvoirs
dans l’intérêt de tous ces citoyens.
La France ne doit pas penser comme une start-up, elle doit mettre l’innovation au service du progrès
Non, la France ne doit pas penser «make something people want», comme le dirait Paul Graham, le fondateur du plus connu des accélérateurs de start-up qui est YCombinator.
La France est une République (res-publica; la chose publique) qui pense
l’intérêt général au dessus des intérêts particuliers. On aurait encore
la peine de mort si l’on s’était contenté d’accomplir uniquement les
choses que les gens voulaient. La France doit penser make what THE people want. Le peuple dans son ensemble. Pas une partie du peuple.
Non la France ne doit pas adopter la stratégie de blitzscaling pensée
par Reid Hoffman -fondateur de LinkedIn et investisseur- c’est-à-dire
investir des ressources à très grande perte, sur un profil très risqué,
misant sur la dette pour prendre des positions de marché dominantes. La
France doit gérer ses finances publiques en bonne intelligence car
c’est au fond l’argent des citoyens, et elle doit investir sur des
infrastructures pour l’avenir, moins risquées et moins rentables à court
terme. Ce n’est pas à l’Etat Français de prendre des risques, c’est aux
entrepreneurs, qui seront récompensés pour cela. Car oui, penser comme
une start-up, c’est penser la croissance extrême, à n’importe quel prix,
dans une fuite en avant qui mène à l’échec dans 90% des cas. Mais
contrairement à une startup, si on rate, on ne peut pas recommencer la
France ailleurs.
Non la France ne doit succomber à la dictature de l’innovation qui règne dans la Silicon Valley,
qui se met à innover pour innover tant qu’il y a des gens pour investir
dans une économie de bulle…Comme le dirait Peter Thiel dans «Where is
the Future». «On voulait des voitures volantes, on a eu des réseaux de 140 caractères à la place». La
France ne doit pas se penser et se piloter comme un jeu où l’on éclate
des bonbons, ou un réseau social de photos ou de micro-messagerie.
“«La France, 5ème puissance mondiale et puissance nucléaire ne se pilote pas comme CandyCrush, Tinder ou Snapchat»
En revanche, la France se doit de penser le Progrès. Avec des valeurs
issues des Lumières, elle doit éclairer le monde à nouveau en pensant le
futur, et en mettant l’innovation et les start-up au service de ce
futur, car «Innovation sans conscience n’est que ruine de l’âme».
Par exemple, la France en tant que Nation doit penser le futur par ses
intellectuels éthiques scientifiques et industriels, définir des
objectifs qualitatifs et quantitatifs pour l’avenir de l’humanité et
favoriser l’innovation en ce sens, et sortir du «spray and pray» qui
est de croire que l’on doive arroser et supporter toutes les
innovations et prier pour voir celles qui évolueront en progrès.
Elle peut le faire par le pilotage se sa recherche publique vers ces
objectifs, le pilotage se sa politique de financement de l’innovation
via la Banque Publique d’Investissement et la Caisse des dépôts et
Consignation et une politique ouverte de valorisation par les ses
Sociétés d’Accélération du Transfert de Technologies. L’Etat peut le
faire aussi avec le contexte juridique de la propriété intellectuelle
pour autoriser tous les entrepreneurs sur le territoire à a accéder une
licence gratuite sur les brevets non exploités détenus par l’Etat.
C’est peut-être même négocier au niveau mondial de renoncer à la
brevetabilité du vivant ou des médicaments pour les pays plus pauvres,ou
sur les énergies propres, dans une logique de progrès pour l’humanité
contre la logique du capital. Un peu comme l‘a fait Elon Musk quand il a mis les brevets de Tesla dans le domaine public, ou bien l’accélérateur YCombinator dont j’ai parlé plus haut qui garantis avec son centre de recherche YCResearch que toutes les résultats issues de leurs travaux seront dans le domaine public.
Dans le même temps, La France, contrairement à la philosophie start-up,
se doit de diriger le monde pour réfléchir aux gardes fous que
l’innovation essaie de contourner poussé par sa logique de profit à
court terme. C’est par exemple ce qu’ont fait des entrepreneurs et
chercheurs de la Silicon Valley dans le mouvement OpenAI qui
souhaitent financer l’équilibre des savoirs dans le domaine de
l’intelligence artificielle, afin de garantir que celle ci ne parte pas à
la dérive et devienne notre dernière invention.
C’est le rôle d’une Nation éclairée comme la France de penser ces
choses là au niveau mondial. Pas de penser comme une start-up d’accepter
toute innovation quelque soit son impact sur le monde, sous le seul
prétexte que c’est de l’innovation, sans que l’on sache dans quelle
direction aller. Car comme le dit le proverbe chinois «Il n’ y a de bon vent qu’à celui qui sait où il va».
Non la France ne doit pas céder comme les start-up à la datacratie galopante qui
pense que l’on peut tout piloter avec des metrics d’acquisition,
d’activation, de retention, de revenus et de recommandations, des
statistiques et de la big data. Voire même succomber à ce qu’Eric Ries,
l’auteur de Lean Startup, appelle les Vanity Metrics, ces
indicateurs de succès qui n’en sont pas. Que l’on peut tout automatiser,
dans une martingale vertueuse ce création de valeur et illimitée. Non,
la donnée n’est qu’une représentation de la réalité car elle souffre
toujours de biais statistiques et de collecte. Comme le dit Jacky
Fayolle administrateur de l’Insee, «Lorsque les indicateurs sont
utilisés sur un mode fétichiste, déconnectés du système d’information
dont ils sont issus, ils appauvrissent l’action publique plus qu’ils ne
l’enrichissent, tout en offrant une évaluation facile, mais illusoire,
des performances de ces actions».
Cathy O’Neil dans son livre Weapons of Maths Destruction: How Big Data Increases Inequality and Threatens Democracy(Armes de Destruction Mathématiques : comment les Données Massives Augmentent les Inégalités et Menacent la Démocratie) prend quant à elle l’exemple de la crise des subprimes où elle explique «qu’une formule peut être parfaitement inoffensive en théorie. Mais lorsqu’elle est employée à grande échelle et devient un standard national ou mondial, elle crée sa propre économie déformée et dystopique.» Derrière, ce ne sont pas des fonctionnalités d’application qui ne marchent plus, ce sont des gens expropriés et mis à la rue, des faillites financières de gens qui avaient investi leur retraite sur les marchés et qui n’ont plus rien… et de l’argent public par centaines de milliards de tous les citoyens qui vient renflouer les banques.
Cathy O’Neil dans son livre Weapons of Maths Destruction: How Big Data Increases Inequality and Threatens Democracy(Armes de Destruction Mathématiques : comment les Données Massives Augmentent les Inégalités et Menacent la Démocratie) prend quant à elle l’exemple de la crise des subprimes où elle explique «qu’une formule peut être parfaitement inoffensive en théorie. Mais lorsqu’elle est employée à grande échelle et devient un standard national ou mondial, elle crée sa propre économie déformée et dystopique.» Derrière, ce ne sont pas des fonctionnalités d’application qui ne marchent plus, ce sont des gens expropriés et mis à la rue, des faillites financières de gens qui avaient investi leur retraite sur les marchés et qui n’ont plus rien… et de l’argent public par centaines de milliards de tous les citoyens qui vient renflouer les banques.
A l’´échelle d’une start-up qui recherche son modèle, il est facile de
revenir en arrière dans le réel pour comprendre ce qui ne marche pas et
de publier une nouvelle version du logiciel deux jours plus tard. Quand
l’on parle de baser toute la société derrière la donnée, on prend le
risque d’en diluer le sens, ce qui crée un risque systémique de décalage
entre la réalité et sa représentation statistique ou algorithmique à
une échelle ou l’on ne peut plus arrêter la Machine.
Non la France ne doit pas agir comme une start-up, elle doit garantir le long terme
Non, la France ne doit pas «Move fast and break things» , c’est-à-dire d’innover au risque de casser l’existant, comme disait Mark Zuckerberg lors des dix premières années de Facebook. La
France doit garantir la cohésion nationale, en garantissant le progrès
pour tous, sur le long terme et sans casser les acquis du progrès
social, sa culture et son vivre ensemble qui sont un héritage du commun
Français. D’ailleurs une fois une taille critique atteinte pour
Facebook, Mark Zuckerberg a changé ce principe en «Move fast with stable infrastructure».
Ce qui se rapproche plus d’une stratégie saine de développement rapide
en respectant la stabilité de ce qui a été déjà construit avant, et qui
approuve le fait de dire que Facebook n’était plus une start-up. La
France elle non plus ne devant pas penser comme tel, doit elle aussi
garder la stabilité de ses infrastructures, aussi rapidement qu’elle
bouge.
Non, la France ne doit pas «Fuck it, ship it», idéologie
qui promeut le fait de sortir les produits pas encore finis, pour les
confronter au réel et apprendre de leur impact sur les clients et sur le
marché. Comme le dit Reid Hoffman (encore lui), «si vous n’avez pas
honte de votre produit quand vous le sortez, c’est que vous avez mis
trop de temps à le sortir et que vous auriez plus le sortir bien plus
tôt».
La France doit penser les réformes et les lois dans le respect des institutions, du débat et de la concertation dans l’exigence constitutionnelle et ne pas produire des lois ou n’importe quelle autre réforme ou infrastructure, sans penser à l’égalité de droit. Quand on gère 67 millions de personnes, d’une manière aussi avancée dans leur vie, on ne peut pas produire des lois, services publics, infrastructures sans les penser pour tous sur le long terme. On ne peut pas le faire sans les planifier sur des objectifs qualitatifs et quantitatifs de progrès, égalitaires et écologiques, juste pour les sortir et voir ce que ça donne, puis itérer ensuite. En d’autres mots: on ne construit pas des autoroutes ou des centrales nucléaires en mode «Fuck it ship it».
La France doit penser les réformes et les lois dans le respect des institutions, du débat et de la concertation dans l’exigence constitutionnelle et ne pas produire des lois ou n’importe quelle autre réforme ou infrastructure, sans penser à l’égalité de droit. Quand on gère 67 millions de personnes, d’une manière aussi avancée dans leur vie, on ne peut pas produire des lois, services publics, infrastructures sans les penser pour tous sur le long terme. On ne peut pas le faire sans les planifier sur des objectifs qualitatifs et quantitatifs de progrès, égalitaires et écologiques, juste pour les sortir et voir ce que ça donne, puis itérer ensuite. En d’autres mots: on ne construit pas des autoroutes ou des centrales nucléaires en mode «Fuck it ship it».
Non, la France ne doit pas «Ask for forgiveness, not for permission».
Les actes de l’état français l’engagent devant l’Histoire. On peut le
voir avec par exemple l’Allemagne qui n’a toujours pas le droit de
détenir l’arme nucléaire ou le Japon qui ne peut pas consacrer plus de
1% de son PIB à son armée en représailles de leurs actions pendant la
seconde guerre mondiale. On peut le voir aussi avec les conséquences de
la colonisation qui restent des plaies ouvertes dans une grande partie
de la population et un déshonneur Français dans l’Histoire du monde. Une
start-up peut faire des erreurs morales, jouer avec les limites de la
loi comme Uber et Airbnb pour faire bouger les lignes, mais un Etat a
bien d’autres responsabilités d’un autre ordre devant le droit
international et sur le cours de l’Histoire. Non la France ne doit
pas/plus engager la nation pour l’avenir sans penser aux conséquences.
Non la France ne doit pas «fail fast, fail often», la
France est un Etat Nation dont le modèle n’a pas le droit de casser,
dans un pays avec 9 millions de pauvres, 4 millions de mal logés.
D’ailleurs, la France ne peut pas économiquement entrer en faillite. La
déroute économique, cela se résout à la fin par «l’hyperinflation ou la guerre» comme
dirait Karl Marx. L’hyper inflation si on essaie de rembourser les
dettes devenues in-remboursables, la guerre avec ses créanciers si l’on
ne veut pas les rembourser et qu’ils viennent la réclamer par la force.
Et puis on ne peut pas recommencer la France avec une autre équipe et
d’autres investisseurs. Il n’y a qu’un peuple de France, et un seul
territoire de France.
Non la France ne doit pas comme une start-up segmenter ses offres selon les citoyens dans un rapport clivant,
pour des citoyens qui pourront se permettre d’y souscrire et d’autres
non. Elle doit au contraire traiter tout le territoire et tous ses
administrés d’une manière inclusive, «égale avec les égaux, inégale avec les inégaux» pour compenser les différences de fait ou de nature, non pas pour les accentuer.
Non la France ne doit pas tout investir uniquement sur le solutionnisme technologique qui prône que l’on peut tout résoudre avec une application comme l’explique Evgeny Morozov dans sans livre «To save everything click here» ou Jaron Lanier dans son livre «Who owns the Future».
Les choses sont plus complexes que cela quand on gère une nation. La
France doit penser, comme Barack Obama devant des entrepreneurs de la
Silicon Valley, que «La
démocratie est par définition désordonnée et que si tout ce que je
devais faire était de produire un widget (application Web ou mobile),
sans m’inquiéter de savoir si les plus pauvres peuvent y accéder, ni me
préoccuper d’éventuels dommages collatéraux, alors les recommandations
des patrons de la Silicon Valley seraient formidables.»
Non la France ne doit pas créer des monopoles temporels comme dirait encore Peter Thiel dans son livre Zero to One,
pour dégager plus de marge que ses concurrents (notamment Européens)
pour continuer d’investir pour conserver ce monopole. La France doit
penser la collaboration économique avec ses partenaires Européens, pour
refonder une Europe politique qui va au delà de la doctrine de
concurrence libre et non faussée qui met les pays en compétition fiscale
et sociale. La France doit s’imposer en Europe dans une logique de
coopération comme on a pu le voir avec les succès industriels que sont
Airbus et Ariane espace. Il reste l’économie de la mer, le numérique et
tant d’autres domaines sur lesquels coopérer au niveau Européen avec nos
partenaires, pas non concurrents
La France doit être une infrastructure, penser et agir comme une infrastructure
Au lieu d’être une start-up et penser comme une start-up, La France doit devenir Etat entrepreneurial.
Dans ce cadre, son rôle est un rôle de régulateur, d’assureur de
dernier ressort et d’arbitre qui assure la liberté d’entreprendre,
réduit le coût d’opportunité et le coût d’accès au marché à son minimum
pour les entrepreneurs, aide au financement de l’innovation, soutient la
recherche fondamentale, tout en protégeant ses industries stratégiques.
Son rôle est de garantir la neutralité, l’équité, la transparence et la
stabilité sur le marché pour créer un climat de confiance sain et
permettre aux entrepreneurs d’innover. A ce titre, il s’agit
concrètement de créer une infrastructure favorable à la création de
valeur, avec un maximum d’externalités positives pour permettre
l’émergence d’un écosystème fertile à la prise de risque. Mais
ce n’est pas la France qui doit prendre des risques! Les entrepreneurs
seront plus agiles pour identifier les besoins marchés et les construire
expériences que les clients attendent. L’Etat s’occupe d’investir dans
les infrastructures sur le long terme et de les mutualiser pour tous, à
coût d’accès tendant vers zéro avec le nombre, permettant la diminution
du coût d’opportunité à l’entreprenariat donc a la vraie égalité des chances.
Il s’agit donc de ne pas penser comme une start-up, mais de penser
comme une infrastructure qui permet l’émergence de startups, en
garantissant en tant qu’Etat la contrepartie du cadre législatif dans le
sens du Progrès sur le long terme pour la société.
Un Etat, c’est tout le contraire de «move fast and break things», mais plutôt «move forward and don’t break»
«On n’arrête pas le progrès» ou la dictature de l’innovation
«Dans le discours d’Emmanuel Macron à Vivatech, le mot innovation est prononcé 25 fois, le mot progrès n’apparaît pas.»
Comme le dit souvent Etienne Klein dans ses conférences, il y a 5o ans, pour chaque innovation qui faisait avancer la société on disait «On n’arrête pas le progrès».
Il y avait une vision bienveillante de l’innovation où l’on se disait
que la technologie venait pour libérer l’homme et la femme de sa
condition. Dans une société de l’innovation reine, cette expression
prend une toute autre tournure. «On n’arrête pas le progrès» est
aujourd’hui l’expression d’une dictature de l’innovation. La
technologie est vue comme un monstre boulimique qui va venir menacer
notre futur, prendre les emplois, consommer toujours plus ressources,
sans garde-fous. C’est d’ailleurs les théories de la Singularity
University à Mountain View, où l’on pense que la technologie va
remplacer l’homme «en marche forcée» et le rendre obsolète.
Est-ce vraiment notre projet d’avenir?
«L’idée de progrès était une idée doublement consolante. D’abord, parce qu’en étayant l’espoir d’une amélioration future de nos conditions de vie, en faisant miroiter loin sur la ligne du temps un monde plus désirable, elle rendait l’histoire humainement supportable. Ensuite, parce qu’elle donnait un sens aux sacrifices qu’elle imposait : au nom d’une certaine idée de l’avenir, le genre humain était sommé de travailler à un progrès dont l’individu ne ferait pas lui-même forcément l’expérience, mais dont ses descendants pourraient profiter.»
En somme, croire au progrès, c’était accepter de sacrifier du présent personnel au nom d’une certaine idée, crédible et désirable, du futur collectif. Mais pour qu’un tel sacrifice ait un sens, il fallait un rattachement symbolique au monde et à son avenir. Est-ce parce qu’un tel rattachement fait aujourd’hui défaut que le mot progrès disparaît ou se recroqueville derrière le seul concept d’innovation, désormais à l’agenda de toutes les politiques de recherche?»
L’idée de progrès est à l’opposé de la philosophie startup qui
s’exécute dans le court terme, dans une fuite en avant dictée par le
dogme de l’innovation à tout prix au nom du marché, sans la remettre
dans le contexte du désir d’avenir. Non toute innovation qui rencontre
un marché n’est pas un progrès. Quelques exemples? Permettre de partager
des photos qui s’effacent sur un réseau social n’est pas un progrès
pour l’humanité. Payer pour choisir les caractéristiques génétiques de
ses enfants, n’est pas un progrès pour l’humanité. Transplanter du sang
de jeunes adultes pour essayer de faire rajeunir de riches hommes
d’affaires n’est pas un progrès.
Permettre de rencontrer des hommes et des femmes sur un simple
mouvement de pouce sur son téléphone n’est pas un progrès pour
l’humanité. A vous de juger par vous mêmes.
Pour toutes ces raisons, la France ne doit pas devenir une start-up, ni
ne doit penser et agir comme une start-up. La France est une nation, un
état, un peuple, une histoire, une culture qui doit s’extraire du pivot permanent,
car elle est capable de penser l’avenir au nom d’une idée désirable
pour laquelle son peuple est prêt à se sacrifier. Ces revirements de
stratégie des startups qui ne savent pas où elles vont et quel est leur
modèle en sont l’opposé. Le modèle Français est établi «Liberté,
Égalité, Fraternité» et il a une vocation éternelle, car la France n’est
pas et ne sera jamais une entreprise, c’est une République.
- L’expert
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.