lundi 10 juillet 2017

Entrepreneur, qui es-tu ?


Source et capture d'écran: https://www.widoobiz.com

Entrepreneur, qui es-tu ?


Professeur au Collège de France, détenteur de la chaire de Sociologie du Travail créateur, Pierre-Michel Menger allie analyses sociologiques et économiques pour définir le statut d’entrepreneur. Il réexploite les thèses des précurseurs de la pensée économique et donne sa vision de l’entrepreneuriat.



« L’activité entrepreneuriale requiert une aptitude particulière, dont la rareté fait le prix ». Telle est l’affirmation d’économistes comme Schultz ou Machlup. L’entrepreneur à crée son entreprise, il a pris ses risques, il a mobilisé des ressources et entraîné des équipes avec lui, qu’a-t-il de particulier?
La plupart des économistes sont d’accord pour dire que ce sont ses aptitudes extraordinaires qui font de lui le leader. John Stuart Mill parle, ainsi, du « détenteur des compétences suffisamment peu rependues » et Pierre-Michel Menger rappelle que l’entrepreneur crée, échoue, recommence, et qu’un mécanisme de sélection est à l’œuvre, par tournoi d’essai-erreur.
L’entrepreneur combine donc des savoirs, des dispositions, des capacités, des hard skills et des soft skills au service d’une prise de risque. Pierre-Michel Menger pour caractériser les « abilities » des entrepreneurs parle de « gradients de différenciation interindividuelle » ou de « talent ».

 Il n’y a pas un entrepreneur mais des entrepreneurs

Néanmoins, il convient d’aller plus loin afin de saisir la complexité de la position d’entrepreneur. En réalité, il n’y a pas un entrepreneur mais des entrepreneurs. La distinction s’opère en fonction « des talents » détenus par chacun d’entre eux. Pierre-Michel Menger explique qu’Holmes et Shmitz différencient les entrepreneurs en fonction de leur aisance entrepreneuriale: « Les moins talentueux prennent la direction des firmes existantes; les plus doués créent de nouvelles entreprises […] » .
L’entrepreneur est donc pluriel et, cette diversité se confirme intrinsèquement: selon l’économiste américain Lazear, l’entrepreneur est un individu aux multiples facettes. Pierre-Michel Menger illustre cette remarque à l’aide d’une métaphore qui reflète son attrait pour la sociologie de la création et de la consommation musicale, à laquelle il a consacré ses premiers travaux: « […] cela équivaut à combiner le portrait de l’entrepreneur manager qui à la manière d’un chef d’orchestre est formé à plusieurs spécialités instrumentales […] pour exercer une autorité efficace et crédible ».

L’entrepreneur n’est-il qu’un être chanceux ?

Mais l’entrepreneur n’est-il qu’un être chanceux et bien doté ? Non, être entrepreneur se mérite et s’entretient. Il paie le prix fort de son ambition ! Pierre-Michel Menger souligne le taux d’échec élevé rencontré par les personnes qui tentent l’aventure entrepreneuriale. Si celle-ci s’avère fructueuse, alors l’instabilité des activités se convertit en une dynamique d’expansion. Cantillon, économiste londonien du 17ème siècle à qui l’on attribue l’emploi initial du mot « entrepreneur », définit le chef d’entreprise comme celui qui concentre deux caractéristiques: « il possède l’initiative de l’acteur économique et est soumis à l’incertitude de l’activité de marché ». Mais, l’économiste voit une contrepartie à cette incertitude: le profit.
Cette assertion amène à  enrichir la définition de l’entrepreneur. Celui, ou celle, qui entreprend doit rendre son activité profitable ! Comme le souligne Pierre-Michel Menger, « seuls les plus habiles à apprendre par essai-erreur survivent, se maintiennent et se développent ». Pour décrire cette capacité à tirer profit de son entreprise, Jean Baptiste Say parle de « talent pour administrer » .

« L’entrepreneur incarne pour Say l’un des trois types de producteurs, à côté du savant et de l’ouvrier »

L’économiste classique va plus loin dans sa définition de l’entrepreneur: « Say incorpore l’innovation scientifique[…] dans les inputs entrepreneuriaux », explique Pierre-Michel Menger. L’entrepreneur est donc celui qui innove. Pour Schumpeter, en introduisant une innovation, on provoque une phase de croissance et de renouveau. Le professeur au Collège de France utilise l’économiste contemporain Baumol pour résumer succinctement cette idée: « l’entrepreneur imprime une trajectoire de déséquilibre positif à l’économie, en contribuant à sa croissance par l’exploitation des inventions » .
Cette fonction jouée par l’entrepreneur est plus ou moins récompensée. Tout dépend de la manière dont il gère l’incertitude à laquelle il est confronté. Pierre-Michel Menger précise que ce sentiment est présent avant, pendant, et après la mise en route de l’activité entrepreneuriale.  Avant de lancer son affaire, le créateur d’entreprise ne sait pas s’il a l’étoffe d’un entrepreneur. Quand il s’engage, il ne connait pas « avec précision la courbe de demande et […] il parie de la créer » . C’est le flair et la capacité à analyser les signes du marché qui vont rendre l’incertitude plus ou moins contrôlable. « L’entrepreneuriat est un phénomène de création par le déséquilibre », conclut Pierre-Michel Menger.
Khadija Adda-Rezig
Khadija Adda Rezig

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