Le Parlement européen a adopté
une résolution le 29 octobre 2015 destinée à poser les bases d’une
réforme de la réglementation applicable à l’utilisation des « véhicules
aériens sans pilote » (UAV) ou drones. L’objectif affiché par les
autorités européennes consiste à adopter une réglementation harmonisée à
l’échelon européen afin de favoriser l’émergence d’un marché européen
qui recèle « un potentiel de croissance économique immense ».
Article écrit par Diane Mullenex et Guillaume Morat, avocats à la Cour, Pinsent Masons
Alors que la réforme de la
réglementation applicable à l’utilisation des drones civils est annoncée
au niveau européen depuis plus de deux ans déjà, de nombreux pays
européens, y compris la France – qui est d’ailleurs l’un des premiers
pays à avoir adopté une réglementation dédiée aux drones civils –
souhaitent faire évoluer leur réglementation nationale notamment en ce
qui concerne le survol de zones non autorisées.
Les grandes lignes de la future réglementation européenne
Dans sa résolution adoptée le 29 octobre
2015 sur l’initiative de la commission des transports, le Parlement
européen a souligné la nécessité de disposer d’un cadre clair et commun
pour garantir les investissements et la sécurité liée à l’utilisation
des drones civils.
Cette future réglementation impactera
non seulement l’utilisation d’aéromodèles par le grand public que par
les professionnels du secteur, c’est-à-dire les fabricants, les
exploitants ainsi que les opérateurs de drones.
Le Parlement a eu l’occasion
d’identifier dans sa résolution les grandes lignes de la réglementation
européenne qui s’annonce, en particulier :
- la nécessité de distinguer les usages
récréatifs et commerciaux des drones qui constituent deux catégories
distinctes par nature;
- la nécessité de prévoir une
réglementation qui soit proportionnée aux risques représentés par chaque
utilisation tout en se fondant sur les catégories établies par l’Agence
européenne de la sécurité aérienne (AESA) et les caractéristiques des
systèmes d’aéronefs télépilotés (poids, domaine d’exploitation,
vitesse);
- la nécessité de prévoir un encadrement
spécifique pour les « vols hors vue », c’est-à-dire sans contact visuel
du télépilote, qui devra être adapté aux risques inhérents à ces vols
tout en favorisant le développement de ce mode opératoire;
- la suppression du « seuil de 150
kilogrammes » selon lequel seule la réglementation des drones dont le
poids est supérieur soit confiée à l’AESA, les appareils de poids
inférieur relevant de la compétence des autorités nationales;
- la nécessité de garantir la sécurité
des biens et des personnes et la protection de la vie privée et les
données à caractère personnel des individus.
Garantir la sécurité et le respect à la vie privée
Selon le Parlement européen, « l’intérêt
du public doit être préservé notamment en ce qui concerne les questions
liées au respect de la vie privée, à la protection des données ainsi
qu’à leur responsabilité et à la responsabilité civile ».
L’utilisation des drones civils suscite
en effet des problématiques en matière de sécurité, d’une part en ce qui
concerne la sécurité de l’espace aérien et d’autre part, en ce qui
concerne la sécurité des données susceptibles d’être enregistrées par
les drones.
Le survol de zones non autorisés est
déjà largement réglementé au niveau national. Il s’agit en l’occurrence
d’harmoniser les règles liées au survol à l’échelon européen.
Le Parlement européen considère qu’il
est nécessaire de favoriser le développement de technologies de
détection et d’évitement pour empêcher les collisions avec d’autres
usagers et éviter le survol des zones à risques telles que les zones
densément peuplées, les aéroports, les centrales nucléaires et les
installations chimiques.
Par ailleurs, selon le Parlement
européen, « l’identification des drones, quelle que soit leur taille,
est essentielle ». Il préconise en effet que les drones soient équipés
d’une « puce d’identification et enregistrés pour garantir la
traçabilité, la responsabilisation et la bonne application des règles de
responsabilité civile ».
Si les drones devraient ainsi faire
l’objet d’une immatriculation, il est possible que celle-ci concerne
tant les drones utilisés par des professionnels que les aéromodèles
utilisés par le grand public. Il est également envisageable que les
drones soient équipés – à l’instar des avions de ligne – d’un «
transpondeur » afin de pouvoir les repérer en permanence.
Enfin, le Parlement européen est venu
réaffirmer la nécessité de s’intéresser aux problématiques suscitées par
l’utilisation des drones civils sur le plan de la protection de la vie
privée et des traitements de données à caractère personnel, ce qu’avait
d’ailleurs déjà rappelé la Commission nationale de l’informatique et des
libertés (CNIL).
De même, le groupe de l’article 29 qui
réunit l’ensemble des autorités de contrôle européennes avait – dans un
avis publié le 16 juin 2015 –recommandé l’adoption du principe de «
Privacy by design », c’est à dire intégrer le respect de la vie privée
directement dans la conception, le fonctionnement et les usages relatifs
aux drones civils.
Les impacts pour la réglementation française
Même s’il est prématuré de se prononcer
sur le contenu de la réglementation européenne qui s’annonce, il est
intéressant de relever que la réglementation française répond déjà, en
partie, à certaines lignes directrices qui ont été dégagées par le
Parlement Européen dans sa résolution.
En effet, la réglementation française
impose un certain nombre d’obligations et des démarches administratives
(attestation, inscription, certification, autorisation) aux
constructeurs, aux exploitants et aux télépilotes en fonction notamment
de la catégorie d’appareils (catégorie A à G) et du scénario de vol
envisagé (scénario S1 à S4).
La réglementation française distingue
d’ores et déjà l’utilisation des drones civils professionnels et des
aéromodèles (i.e. drones de loisir grand public). De même, la
réglementation française prévoit également des dispositions spécifiques
applicables aux vols hors vue (interdiction de piloter selon ce mode
opératoire dans un véhicule en mouvement, etc.).
Il est actuellement possible de faire
voler des drones de loisir en vue directe en dessous de 150 mètres, à
l’exception notamment de certaines zones géographiques (agglomérations,
zones situées à proximité d’aérodromes, zones sensibles, etc.) ou encore
des rassemblements de personnes hors agglomération, sauf autorisation
préfectorale après avis du service de la défense et de la direction
régionale de l’aviation civile.
En revanche, la réglementation française
est particulièrement contraignante concernant les prises de vue
aérienne par appareil photographique, cinématographique ou par tout
autre capteur qui sont prohibées par principe.
Les prochaines étapes
Le Parlement rappelle la nécessité d’associer l’AESA aux travaux destinés à se doter d’une nouvelle réglementation européenne.
De même, le groupement JARUS (« Joint
Authorities for Rulemaking on Unmanned Systems »), qui est un organe
international réunissant les autorités nationales de l’aviation civile
de 22 États, devrait également être amené à jouer un rôle prépondérant
dans les travaux destinés à assurer la coordination de la réglementation
à venir avec les dispositions internationales en vigueur dans des pays
tiers à l’Union européenne.
La Commission doit maintenant élaborer
une proposition qui devrait être présentée d’ici la fin de l’année dans
le cadre du futur « paquet aérien » destiné à réformer les règles liées
à l’aviation civile.
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