De l’astronomie à l’entrepreneuriat: l’Univers
Par Olivier Ezratty, expert FrenchWeb
Par
Les Experts
|
le 3 juillet 2017
| http://www.frenchweb.fr
Vous avez craqué
pendant les élections présidentielles françaises avec ses multiples rebondissements. Vous n’en pouvez plus
si vous suivez les faits et gestes de Donald J. Trump. Vous en avez ras la casquette
de
la transformation digitale de charlatans qui ne fait plus rêver. Vous
en avez marre d’entendre à tout bout de champs que votre métier va
disparaître et être remplacé par une intelligence artificielle
développée par un jeune de 19 ans sorti de l’école 42? Mes amis, je vais
alléger vos souffrances et vous aérer les neurones en vous permettant
de vous évader un peu, tout en restant les pieds sur terre.
Ces lignes vont reprendre et compléter le verbatim de la conférence «
De l’astronomie à l’entrepreneuriat»
que j’ai eu l’immense plaisir de délivrer dans la faille
spatio-temporelle du Web2day, le 8 juin 2017 à Nantes. Elle durait une
heure, le plus long format de cet événement. J’ai déjà publié les
photos et mon
support de présentation. La vidéo produite par le Web2day devrait suivre de peu.
Comme beaucoup de curieux sur les sciences et technologies, je
m’intéresse à l’infiniment petit tout comme à l’infiniment grand. J’ai
déjà eu l’occasion de traiter l’infiniment petit en m’intéressant à la
fabrication des semi-conducteurs et au
séquençage de l’ADN et à ses applications.
L’astronomie et la conquête spatiale incarnent l’esprit de
questionnement, de découverte et d’aventure de l’espèce humaine. Elles
sont l’aboutissement ultime de l’entrepreneuriat humain et répondent à
ce besoin de repousser nos limites pour comprendre les nombreux mystères
de l’Univers et le conquérir à la mesure de nos moyens. Cette quête
sert aussi à tenter de répondre à de nombreuses questions
existentielles: d’où venons-nous, sommes-nous seuls dans l’univers,
l’univers est-il fini ou infini, existe-t-il une planète B pour
éventuellement contredire Emmanuel Macron?
J’ai compulsé des centaines de sources d’informations publiques pour
préparer cette conférence du Web2day. La recherche en astronomie a ceci
de particulier qu’elle est principalement financée par les derniers
publics partout dans le monde et qu’elle donne lieu à une forte
coopération internationale. Elle génère mécaniquement une grosse masse
de données ouvertes, autant sur les observations de l’espace que sur les
moyens de les mener, sans compter les photos! C’est grâce à cela que
j’ai pu creuser de nombreuses technologies du secteur. Il est bien plus
aisé de décortiquer le fonctionnement d’un télescope que d’une start-up
utilisant de l’intelligence artificielle!
Dans cette série d’articles en plusieurs parties –comme d’habitude–, je vais dans l’ordre:
-
Faire le point et à grosses mailles sur ce que l’on sait de l’univers, et surtout
vous faire appréhender l’immensité du sujet. C’est ici-même. C’est de
l’ordre de la culture générale et ne vous apprendra pas grand chose si
vous vous intéressez déjà à l’astronomie.
-
Décrire les technologies mises en œuvre dans les moyens d’observation terrestres de l’univers, à savoir, les télescopes et les radio-télescopes.
Ces derniers étaient un peu mystérieux pour moi, surtout pour ce qui
est des techniques de reconstitution d’images alors qu’ils n’ont pas de
capteurs photo.
-
Passer aux télescopes spatiaux qui permettent d’aller encore
plus loin en distance et dans le passé de l’univers avec une
focalisation particulière sur un véritable bijou technologique: le James
Webb Space Telescope qui sera lancé en 2018. Et au passage, évoquer la
notion de gestion du risque dans ce genre de projet à près de $10B.
-
Puis traiter de la découverte des exoplanètes et des
instruments qui y sont dédiés, tout en évoquant les équations de Drake,
Seager puis le paradoxe de Fermi qui évaluent d’un côté les chances de
trouver des vies extraterrestres dans la Voie Lactée et, de l’autre, qui
expliquent que l’on n’en ai pour l’instant toujours pas encore croisé.
Même dans l’Area 51!
-
Enfin, terminer avec les entrepreneurs privés de la conquête spatiale,
et pas seulement Elon Musk. Nous verrons que l’espace est devenu une
branche à part entière de l’entrepreneuriat technologique, avec quelques
particularités et des métaphores intéressantes sur l’entrepreneuriat
«terrestre» qui reviendront sur les articles précédents. A ceci près que
ces entrepreneurs se contentent d’essayer d’aller en orbite basse, de
conquérir Mars voir d’atteindre Proxima du Centaure. Il n’est pas encore
question d’aller plus loin. Et il y a même des margoulins de l’espace!
Finalement, je vous propose donc une longue thèse hors-sujet en quatre
parties, puis une antithèse et une synthèse dans la dernière partie qui
nous rapprochent du sujet. Le voyage et le jeu en valent la chandelle!
Le principe de ces interventions et articles est toujours de vulgariser
un domaine scientifique qui comprend une part de mystères
technologiques.
Vous pourriez obtenir le même type d’informations en parcourant
régulièrement la presse scientifique (Science et Avenir, Science &
Vie, La Recherche, Pour la Science, …) mais, généralement, en pièces
détachées et pas avec le même regard technologique. Venant du numérique,
on peut ainsi se poser des questions pratiques peu évoquées dans ces
supports. Par exemple, à quoi ressemblent les capteurs photo des
télescopes spatiaux, quels volumes de données sont générés par ces
télescopes, comment sont-ils transmis sur terre et comment y sont-ils
traités? Et enfin, quelles en sont les éventuelles retombées
industrielles qui affectent notre vie dans ce bas monde terrestre?
L’astronomie commence avec les astronomes!
Comme tous les domaines, l’astronomie est avant tout une aventure
humaine. On compte environ 10000 astronomes et astrophysiciens
professionnels dans le monde, les 2/3 aux USA et quelques centaines en
France, qui sont répartis dans différentes villes et institutions tels
que le CNRS ou le CEA. Il faut y ajouter les ingénieurs des entreprises
du spatial, à commencer par ceux d’Arianespace, d’Airbus, de Thalès et
de nombreux sous-traitants spécialisés dans des technologies de pointe.
Il s’agit, même de manière extensible, d’une profession assez rare. Mais
on compte un bien plus grand nombre d’astronomes amateurs qui, armés de
leur modeste télescope, scrutent le ciel ou bien analysent les données
publiques issues des grands télescopes. Ils contribuent au développement
du savoir. Il détectent par exemple fréquemment des astéroïdes. Ils
sont l’équivalent des contributeurs individuels à des projets open
source dans le logiciel.
Depuis l’antiquité, les astronomes essayent de comprendre l’univers.
Cela requiert une approche scientifique: de l’intuition, des
mathématiques, de la géométrie, de la physique et de l’observation
permettant de vérifier des théories élaborées sur le fonctionnement de
l’univers. J’admire ainsi les astronomes d’avant la Renaissance qui
observaient patiemment les étoiles et savaient distinguer les planètes
du système solaire des étoiles de la Voie Lactée. Il a fallut quasiment
deux millénaires pour que
l’héliocentrisme soit
accepté par l’ensemble des scientifiques, sans compter le bien récalcitrant Vatican. Bien plus tard, en 2015, le
LIGO a permis de vérifier la théorie d’Einstein sur les ondes gravitationnelles un siècle après son élaboration.
Passons sur les Ptolémée, Galilée, Newton et autres Copernic. Après
avoir parcouru quelques histoires de l’astronomie au travers des âges,
quelques personnages peu connus m’ont particulièrement intrigué:
-
Ole Roemer, un Danois, qui su déterminer la vitesse de la
lumière au 17eme siècle en observant les éclipses de la lune Io de
Jupiter. Il a obtenu un résultat valable à 26% près (190 000 km/s vs 300
000 km/s) ce qui est une performance. Surtout dans la mesure où il ne
devait disposer que d’une simple lunette de Galilée et du calcul à la
main pour y parvenir. Chapeau bas!
-
Albert Michelson, un Américain qui détermina cette
vitesse avec précision en 1887, soit avec moins de 0,1% d’erreur par
rapport aux mesures modernes. Il était alors sous-officier de la Navy.
Il obtint le Prix Nobel de physique en 1907. La méthode s’appuyait sur
un système de miroirs rotatifs et d’interférométrie.
-
Georges Lemaitre, un prêtre Belge formé à Harvard et Cambridge, puis travaillant au MIT, qui théorisa
le big bang en 1927. Une théorie qui fut validée progressivement les
décennies suivantes, et nommée «big bang» en 1949. En 1929, Edwin Hubble
identifia le «red shift», le décalage vers le rouge de la lumière émise
par les galaxies distantes, expliquant leur éloignement et l’expansion
de l’Univers.
Plus récemment, des femmes brillantes sont venues apporter leur
contribution à une histoire trop souvent bâtie uniquement par des
hommes:
-
Vera Rubin: une américaine qui travaillait sur la rotation des
galaxies et en a inféré l’existence de la matière noire en 1976, seul
moyen d’expliquer leur cohésion. Elle est décédée en décembre 2016.
-
Amy Mainzer: une autre Américaine qui a contribué à la
création du télescope spatial Spitzer qui explore l’univers dans
l’infrarouge. Lancé en 2003, c’est l’un des premiers à avoir détecté des
exoplanètes.
-
Sara Seager: également Américaine, qui a créé en 2013 une
nouvelle équation de Drake pour prédire le nombre de planètes dotées de
la vie dans la Voie Lactée.
On pourrait aussi y ajouter
Ralph Alpher et
Robert Herman qui,
en 1948, prédisent les scénarios du big bang avec la température
résiduelle de l’univers lorsqu’il est devenu transparent après le big
bang (-240°C) ainsi que le fond diffus cosmologique (160 GHz). Après son
expansion, la température de l’Univers devait descendre à -270°C. Ces
théories sont vérifiées fortuitement en 1964 par
Arno Allan Penzias et
Robert Woodrow Wilson.
Ils ont pour cela obtenu le Prix Nobel de Physique en 1978. Les
astrophysiciens ont ceci de particulier qu’ils ont une forte capacité à
conceptualiser le fonctionnement de la matière à très bas niveau, la
physique des particules mise en œuvre dans la création des atomes, puis à
bâtir des théories générales, et à les vérifier ensuite. Ce sont ces
théories appliquées au big bang qui permettent par exemple d’expliquer
le ratio entre hydrogène et hélium dans les étoiles et galaxies.
Ce que l’on sait des dimensions de l’univers
Avant de décrire en détail les technologies qui permettent de
l’observer, je vous propose un petit tour de l’Univers observable en
partant du système solaire. Nous allons naviguer du plus petit au plus
grand, ce qui nous rappellera que nous ne sommes pas grand-chose. C’est
un bel exercice d’humilité. Le schéma ci-dessous est une version
documentée d’un
schéma issu de Wikipedia.
J’utilise l’année lumière comme unité de référence. Une année lumière
fait 9 461 milliards de kilomètres. Le système solaire fait juste deux
dizaines d’heures-lumière de diamètre. La Terre n’est qu’à 150 millions
de km du soleil, qui ne fait que 1,4 million de km de diamètre, soit
quatre fois la distance entre la terre et la Lune. Le système solaire ne
fait que 3% d’une année lumière de diamètre jusqu’à Pluton. Si l’on y
intègre le nuage de Oort qui entoure le système solaire, bien au-delà de
l’héliosphère, et qui contient des comètes en formation, le diamètre
complet du système solaire dépasse l’année lumière.
Ensuite, dans la
proche banlieue stellaire du soleil, on ne
trouve que 54 étoiles distantes de moins de 14 AL. Ce n’est pas énorme
compte tenu des distances. L’étoile la plus proche est Alpha du
Centaure, à 4,37 AL. A la vitesse des sondes spatiales actuelles, il
faudrait 80 000 années pour s’en approcher. On a déjà trouvé quelques
exoplanètes dans cette proche banlieue mais pas encore de vie.
Lorsque l’on s’éloigne encore plus, on trouve évidemment d’autres
étoiles mais aussi de nombreuses nébuleuses, de gigantesques nuages de
poussières ainsi que des restes d’étoiles ayant explosé, les supernovas.
L’un des plus beaux de ces nuages qu’il soit possible d’observer,
notamment avec le télescope spatial Hubble s’appelle les «
Piliers de la création».
Ils sont situés à 500 AL du soleil et font 4 AL de hauteur. Cette belle
image est une composite d’images de sources différentes et dans
différentes longueurs d’ondes visibles et non visibles, que nous
décortiquerons plus tard dans cette série d’articles.
Si l’on s’éloigne encore un peu, à 3900 AL, on trombe sur l’étoile géante
Canis Majoris qui
est l’une des plus grosses de la Voie Lactée. C’est une super géante
rouge dont le diamètre est d’environ 600 fois celui du soleil, soient 2
milliards de km (vs 1,4 million de km). La périphérie de cette étoile
correspond à l’orbite de Saturne. Mais sa densité est très faible, de 5
to 10 mg/m
3, soit bien plus faible que celle de l’atmosphère
terrestre en haute altitude. Cette étoile ressemble à ce que deviendra
notre soleil lorsqu’il s’éteindra d’ici quelques milliards d’années.
Période où la Terre y aura été engloutie sachant que la vie y aura
disparu bien avant avec le réchauffement planétaire qui sera provoqué
non pas par l’Homme mais par l’expansion du Soleil.
On trouve bien d’autres monstres dans la Voie Lactée : au moins un gros
trou noir en son centre ainsi que des pulsars qui sont des étoiles à
neutrons tournant rapidement sur elles-mêmes une fois par seconde voire
moins et émettant un fort rayonnement électromagnétique. Ce
bel article de Vincent Pinte-Deregnaucourt fait un inventaire plus détaillé des composantes de la Voie Lactée.
La Voie Lactée est notre galaxie. Sa structure n’a été découverte que
tardivement, dans les années 1920, notamment par Hubble. Elle fait
100000 AL de diamètre et comprend entre 200 et 400 milliards d’étoiles
de taille et maturité variables et au moins autant de planètes. Notre
soleil est situé à environ 26 000 AL du centre de la galaxie. Celui-ci
est difficile à localiser avec précision. La cartographie exacte de la
Voie Lactée est d’ailleurs encore incomplète, surtout pour les bras qui
sont situés de l’autre côté de son centre vis à vis du Soleil.
Que voit-on de la Voie Lactée au juste en observant le ciel? Dans une
zone dénuée de pollution lumineuse, nous pouvons observer la trainée
d’étoiles de la Voie Lactée, comme ici dans cette magnifique photo prise
en Australie. Elle correspond à la tranche de la Voie Lactée dans
laquelle nous sommes. Lorsque l’on regarde dans une autre direction, on
peut surtout observer une partie moins dense de la Voie Lactée. La
pollution lumineuse empêche de bénéficier de ce genre de vue dans les
zones habitées. J’avais eu l’occasion de faire une belle observation de
la Voie lactée en Afrique du Sud en 2001 et c’est tout bonnement
merveilleux et inoubliable.
Il n’y à qu’à peine 10% du territoire français qui soit potable pour
des observations astronomiques à l’œil nu. Il s’agit essentiellement des
zones montagneuses et d’une bonne partie de la Corse. A l’occasion de
l’élection présidentielle 2017, j’ai d’ailleurs découvert l’association
de lutte contre la pollution lumineuse, l’
ANPCEN. Son
programme s’était même retrouvé dans celui de Jean-Luc Mélenchon!
Evidemment, sans que cela ne génère d’écho particulier, autant dans les
médias que dans les discours du candidat. C’est un exemple parmi
d’autres des conséquences hasardeuses du lobby associatif vis à vis des
politiques.
Dans cette vue de la Voie Lactée, fictive, ou tout du moins inspirée de
ce que l’on en sait, vous trouvez la position du Soleil dans l’un des
bras de la Voie Lactée. Le petit cercle indique la partie de la voie
lactée que l’on voit à l’œil nu lors d’une nuit étoilée et sans
pollution lumineuse, ce qui correspond à un rayon d’environ 500 AL La
portée maximale de certaines étoiles serait de 10 000 AL. Le soleil
tourne en fait autour du centre de la Voie Lactée, mais on ne s’en rend
pas compte car la période de rotation, l’année galactique, est de 250
millions d’années solaire. C’est le temps qu’il faut pour que le soleil
fasse le tour complet de la voie lactée.
Dans les photos du centre de la Voie Lactée prises dans le visible, de
la terre ou de l’espace, le centre de la voie lactée est un mélange de
bande d’étoiles et de bandes obscures. Elles empêchent d’observer le
centre de la galaxie. Il s’agit de grands nuages de poussière. Le centre
de la Voie Lactée comprendrait un gros trou noir de 2,6 millions de
fois la masse du Soleil. Mais il n’est probablement pas le seul.
A noter que la portée des ondes électromagnétiques d’origine humaine
est d’à peine 150 années-lumières, correspondant à l’invention des
émetteurs radios sur terre. Il s’agit de l’empreinte la plus éloignée de
la civilisation humaine dans la galaxie. Sachant que les pyramides et
autres constructions humaines plus anciennes sont difficilement
observables de l’espace lointain! En 1974, l’initiative SETI a envoyé un
message structuré vers l’espace à partir du radio-télescope d’Acirebo
de Porto Rico. Il a été envoyé de manière très directionnelle vers un
cluster d’étoiles, dit Messier 13, qui contient tout de même 300 000
étoiles.
Par contre, les caractéristiques favorables de la Terre sont
détectables de plus loin. Et elles sont bonnes depuis au moins 3,8
milliards d’années, malgré les nombreuses fluctuations que la Terre a
connues, par exemple dans sa température, et la composition de son
atmosphère qui a varié dans sa teneur en oxygène et CO2. Donc, notre
banlieue de la Voie Lactée doit pouvoir détecter la Terre et si on y
trouve une civilisation. Mais pas forcément dans n’importe quelle
direction puisque les techniques de détection d’exoplanètes que nous
verrons dans une autre partie de cette série d’article limitent celle-ci
aux plans de rotation des planètes autour de leur étoile qui croisent
l’axe point d’observation-soleil. Comme nous le verrons aussi, les
exoplanètes détectées récemment
sont situées à une relative proximité du soleil dans la voie lactée, et
sont situées dans la limite du second cercle en pointillé (10 000 AL de
rayon). Les plus proches sont à respectivement 4,2 AL et 10 AL. On ne
risque à priori pas de détecter d’exoplanètes dans d’autres galaxies qui
sont trop lointaines pour ce genre d’observation. Ce qui nous rappelle
que la recherche de planètes habitables et de planètes abritant une vie
extraterrestre est très limitée en porte dans l’espace observable.
Eloignons-nous encore un peu. La Voie lactée est située dans un groupe
local de galaxies qui fait un diamètre de 6,5 millions d’AL et comprend
54 galaxies. La plus importante des galaxies de ce groupe est
Andromède.
Elle comprend cinq fois plus d’étoiles que la Voie Lactée et fait 140
000 AL de diamètre. A l’échelle de l’histoire, elle est assez éloignée:
2,5 millions d’AL ! La lumière que l’on reçoit de cette galaxie
correspond à l’arrivée d’Homo Habilis, un ancêtre d’Homo Erectus puis
Néanderthal et Homo Sapiens.
La photo ci-dessous a été prise par le télescope spatial Hubble. Vous pouvez aussi profiter de cette très belle
vidéo d’observation d’Andromède
qui rassemble des milliers de photos prises par Hubble. Elle est
visualisable en 4K si votre installation le supporte.
Quand on s’éloigne encore, on se retrouve dans un superamas
(supercluster), un groupe de groupes de galaxies, celui de la Vierge. Il
comprend 110 groupes de galaxies du style du groupe local dans lequel
se trouve la Voie Lactée et Andromède. Ce superamas fait 110 millions
d’AL de diamètre.
Ce superamas est lui-même intégré dans le superamas de Laniakea, qui a
été décrit en septembre 2014 par l’américain R. Brent Tully et la
lyonnaise
Hélène Courtois. Leur étude est basée sur la vitesse
relative des galaxies les unes par rapport aux autres. Ce superamas de
Laniakea comprend la bagatelle de 100 000 galaxies.
Dans Laniakea, on trouve notamment le superamas de
Persée (Abell
426). C’est le plus gros objet observable de l’univers. Il contient des
milliers de galaxies de tailles diverses. Son image ci-dessous ne
visualise pas ses galaxies mais les gaz chauds qu’il contient. Elle a
été obtenue dans les rayons X par le télescope spatial
Chandra et
avec un temps de pose de 16 jours. Le bousin fait un million d’années
lumières de diamètre. A côté, notre gigantesque Voie Lactée est une
naine ! Il est situé à 240 millions d’années lumières, 90 fois plus loin
que la galaxie Andromède.
Bon, et puis ensuite, on s’éloigne encore, on découvre d’autres
galaxies en se rapprochant de la naissance de l’univers puisque plus
loin vont nos observations, plus on remonte dans le temps. La galaxie la
plus éloignée que l’on ait pu observer, GN-z11, est à 13,4 milliards
d’AL, environ 400 millions d’années lumières après la naissance
supposées de l’univers.
Compte-tenu de sa dilatation depuis sa création, l’univers observable
fait 90 milliards d’années lumières de diamètre. Une galaxie qui est à
13,5 milliards d’années lumières était à cette distance là au moment où
elle a émis sa lumière observée. Mais elle a bougé depuis et se trouve
maintenant à environ 45 milliards d’AL. D’après les observations et
estimations les plus récentes, l’univers observable comprendrait 2
trillions de galaxies.
Quels sont les grands objectifs actuels de l’astronomie? En gros, il
s’agit déjà de bien comprendre le fonctionnement de notre propre étoile,
le Soleil. Plusieurs télescopes sont braqués dessus en permanence pour
l’observer et notamment détecter ses fluctuations. Notre climat est en
effet sensible à ses variations. Un orage électromagnétique issu du
Soleil peut aussi à tout moment détruire tous les processeurs et
mémoires sur Terre malgré la protection de sa magnétosphère.
Ensuite, on continue d’explorer sans relâche les autres planètes du
système solaire et leurs propres satellites. Mars est une destination
future de l’exploration humaine, après les nombreuses sondes que l’on y a
fait atterrir comme Curiosity. La planète contient de l’eau et aurait
pu voir des formes de vie primitives y émerger. Certains rêvent même de
terra former la planète et d’en faire une colonie humaine durable. C’est
probablement le seul endroit où il est envisageable de le faire. Et
encore, c’est loin d’être une panacée.
Au-delà du système solaire, les recherches d’exoplanètes vont bon
train. Les astronomes cherchent en priorité des exoplanètes ressemblant
de près à la Terre ou tout du moins capables d’y héberger une vie
équivalente à la notre. Il faut donc une gravité de préférence voisine
de celle de la terre, une atmosphère, de l’oxygène, du carbone, de l’eau
liquide et une magnétosphère pour protéger la vie des rayons cosmiques.
La distance entre la Terre et ces éventuelles exoplanètes reste
cependant énorme pour les rendre colonisables.
On cherche ensuite à mieux comprendre les divers objets qui constituent
notre galaxie, les trous noirs, les pulsars, puis à comprendre les
mécanismes de la naissance comme du crépuscule des étoiles et des
galaxies. Les temps évalués sont “cosmiques”, c’est-à-dire de plusieurs
ordres de grandeur supérieurs à l’histoire de l’Humanité. C’est donc un
exercice plus intellectuel que pratique.
En allant plus loin et en remontant le temps dans l’histoire de
l’Univers, on cherche à en comprendre le processus de formation. Celle
de la matière, de la lumière, puis des étoiles et des galaxies. On
cherche aussi à trouver la forme que prend la fameuse matière noire qui
expliquerait la cohésion des galaxies.
Cette matière noire est cependant aussi difficile à trouver que
l’intelligence humaine en période électorale. La première pourrait bien
ne pas exister si on reformulait les lois de la gravité. C’est
l’hypothèse
MOND de Mordechai Milgrom, exposée en 1983, affinée par
Erik Velinde en 2010 et validée partiellement
en 2016 (cf
New theory of gravity may explain dark matter qui
date de novembre 2016). De son côté, Margot Brouwer, de l’observatoire
de Leiden aux Pays-Bas, a observé la distribution de matière dans 30 000
galaxies et
en conclu qu’il
n’y a pas de “naissance” de l’univers et que celui-ci serait en fait
éternel. Bref, en astronomie comme ailleurs, il ne faut jamais s’assoir
sur ses certitudes!
Ceci n’était qu’une petite mise en bouche pour comprendre la suite.
Dans le second épisode, je vais m’intéresser aux télescopes terrestres
qui continuent de jouer un rôle clé dans l’observation de l’univers, et
notamment les radio-télescopes dont le fonctionnement est quelque peu
mystérieux. Comment diable font-ils pour créer des images alors qu’ils
ne comprennent pas de capteurs d’images?
Et petit appel: si vous êtes un entrepreneur ayant à voir de près ou de
loin avec l’espace, n’hésitez pas à me contacter, ce qui me permettra
d’enrichir la dernières partie de cette série, à défaut des autres.
Olivier Ezratty est consultant et auteur. Il conseille les
entreprises pour l’élaboration de leurs stratégies d’innovation, et en
particulier dans le secteur des objets connectés et l’intelligence
artificielle. Très actif dans l’écosystème des startups qu’il accompagne
comme consultant, advisor, conférencier et auteur, il est apprécié pour
les articles fouillés de son blog
Opinions Libres dans
des domaines très divers. Il y publie le « Guide des Startups » ainsi
que le « Rapport du CES de Las Vegas » chaque année depuis 2006. Olivier
est expert pour FrenchWeb qui reprend de temps à autres la publication
des articles de son blog.
Lire aussi: Peut-on benchmarker l’intelligence artificielle?
Les Experts sont des contributeurs indépendants de FrenchWeb.fr.