Border line : la campagne qui provoque et choque
Publié le 22/09/2016 Benjamin Adler http://www.influencia.net
Twitter : @BenjaminAdlerLA
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Six semaines avant la sortie en
France du "Snowden" d'Oliver Stone, Dentsubos s'est pris pour la NSA
pendant 15 jours, à Toronto. Pour faire passer le message du film,
autant le confronter dans la vraie vie à des citoyens espionnés.
Présenté en avant-première mondiale lors du Festival international du film de Toronto, le très attendu "Snowden" d'Oliver Stone fait déjà jaser. Pas pour les arabesques artistico-politiques de son réalisateur mais pour la campagne de promotion, "Border line", mise en place pendant deux semaines par Dentsubos et Elevation Pictures.
Le concept dépasse l'audace et la prise de risque, il provoque et
choque. La démarche n'est pas gratuite pour faire parler : il faut
malheureusement bien cela pour inciter le citoyen connecté naïf,
aveugle, consentant ou mal informé, à réfléchir sur le respect de la vie
privée par le tout sécuritaire logiquement imposé aux peuples
occidentaux.
Pendant deux semaines et jusqu'au 18 septembre, DentsuBos et Elevation Pictures
ont espionné à leur insu les passants empruntant l'intersection la plus
fréquentée du Canada, aux abords de Dundas Square à Toronto. Des
caméras de surveillance équipées d’une technologie de suivi de
mouvements a permis d’accomplir la mission de l'activation : suivre les
piétons de loin puis simultanément diffuser les images recueillies par
les caméras sur un écran géant situé à Dundas Square. Lorsque les cibles
insouciantes se sont vues à l’écran, leurs réactions choquées ont créé
suffisamment de drame pour rebondir pleinement sur le propos du film :
ils nous regardent ! Ou comment faire la pub d'un film sur les dérives de la surveillance de masse en se prenant pour la NSA.
Qui nous regarde ? Où ? quand ?
"Les réactions des gens sont
vraiment révélatrices. Certains nous ont carrément dit qu'ils s'étaient
sentis comme violés, d'autres terrifiés et quelques-uns nous ont même
affirmé que c'était l'expérience la plus flippante de leur vie. Le plus
interpellant c'est qu'en nous parlant, quasiment tous ont regardé autour
d'eux comme s'il y avait encore des caméras à proximité ", commente Jon Frier, creative director chez Dentsubos. Pour cette opération très spéciale, l'agence biculturelle de Montréal et Toronto a fait appel à Cieslok Media pour le panneau d'affichage.
"Snowden a posé sa loupe sur une question troublante : « Qui nous regarde ? Où ? Quand ? ». Nous
voulions démontrer au public ce que cela veut dire pour eux, d’une
manière très personnelle. Evidemment, on s'est demandé si nous
franchissions la ligne rouge", ajoute Jon Freir,
qui peut être fier de son idée, présentée comme le mariage parfait entre
message et média. En plus de l’activation à Dundas Square, le
lancement du film est relayé par une campagne numérique. Interrogée par
le journal local "The Globe and Mail" qui a rendu compte de l'opération, une "victime" de la campagne juge l'activation "brillante". Car détaille t-elle : "Cela
nous fait vraiment réaliser que les caméras de surveillance peuvent
être partout, que des gens peuvent nous regarder et nous enregistrer à
tout moment sans qu'on le sache. Je ne suis pas très au fait de
l'histoire de Snowden, je sais juste qu'il lutte contre les lois
liberticides et pour le respect de la vie privée. Pour mettre en lumière
son combat, cette initiative était parfaite ". C'est ce qu'on appelle une expérience consommateur réussie !
Benjamin Adler
Benjamin
est le correspondant d’INfluencia aux Etats-Unis, à Los Angeles, depuis
octobre 2011. Diplômé de l’ESJ Paris et du CFPJ, il a également été
correspondant à Sydney et Bruxelles. Il est un témoin privilégié des
nouvelles tendances collaboratives et technologiques en couveuse.
Twitter : @BenjaminAdlerLA