Le marketing de masse et son message
unique ont laissé place au marketing transactionnel. Avec l’explosion
d’Internet il est devenu possible de connaître le processus d’achat en
temps réel, de savoir comment le consommateur réagit une fois le produit
acheté. La collection des données comportementales divisées en segments
individuels est un processus d’écoute qui permet ensuite de réagir à ce
que vous avez entendu. Personnaliser la communication est difficile car
il faut absolument bien comprendre dans quel endroit et quelle
prédisposition mentale se trouve le consommateur. Or chacun est
différent des autres.
L’objectif de la data consiste aussi à
deviner pour anticiper en réduisant le risque. Sert-elle donc la mission
du marketing prédictif ? On tend vers cela. «
Tous les départements
marketing des marques testent aujourd’hui leurs idées en ligne, en
étant volontairement exhaustif et en apprenant à accepter les échecs car
au final cela permettra une meilleure connaissance du consommateur,
donc une meilleure capacité à deviner et anticiper »,
déclarait l’été dernier dans
INfluencia,
Alan Banks, désormais ex managing director de
Marketo pour l’Europe, l’Afrique et le Proche-Orient.
Parce que le marketing automation est en
train de profondément restructurer le marketing B2B, montrant une voie
royale pour le B2C, INfluencia a voulu comprendre les enjeux d’une mutation en marche. Nous nous sommes donc rendus à Las Vegas pour assister au Marketing Nation Summit de Marketo, organisé du 9 au 12 mai dans le Nevada. Sur place, l’Irlandais Stephen Yeo, European Marketing Director de Panasonic, nous a expliqué sa vision.
INfluencia : dans cinq ans, le
marketing d'aujourd'hui sera-t-il perçu comme complétement obsolète ou
est-ce que le marketing du futur ne sera finalement qu’une branche de ce
qui existe déjà ?
Stephen Yeo : je pense
que le marketing B2B d'aujourd'hui, grâce justement à des plateformes
comme Marketo, nous permet de mettre le doigt sur des choses tellement
importantes qui nous échappaient complétement du temps des fichiers
Excels et des cartes de visite. Grâce aux outils de mesure qui nous
permettent d'avoir un aperçu plus exact de notre ROI, on est seulement
au camp de base de notre voyage : la route est encore tellement longue.
On est arrivé à ce que j'appelle l'excellence de l'exécution et des
mesures. Mais on ne l'a pas encore associée à la stratégie où cela
devient une part intégrante du produit ou du management du cycle de vie
du consommateur.
IN : il y a cinq ou sept ans,
Marketo aurait discuté avec votre département IT. Aujourd'hui, ils
travaillent avec le département marketing. Qu'est-ce que cela change ?
S.Y. : Marketo est en
effet payé par le budget marketing, et la beauté de la chose est que je
n'ai pas eu besoin de passer par l'IT pour faire fonctionner
l'application. Pourquoi ? Parce que j’avais en face de moi un marketeur
qui disposait des outils dont j'avais besoin. Alléluia! Nous avons aussi
la chance chez Panasonic d'avoir un excellent département IT en Europe :
ils comprennent qu'ils ne sont pas experts en marketing, mais qu'on a
besoin d'eux pour intégrer différents systèmes et le vendre à l'interne.
IN : vous allez évidemment
continuer à collecter de la data, il faut donc continuer à pouvoir
l'exploiter de la meilleure manière. Quelle est votre stratégie ?
S.Y. : la plate-forme
génère tellement de data que si on ne sait pas ce qu'on recherche, on
sera perdu. Dans le Coran, il est dit « si tu n'as pas de carte, toutes
les routes t’emmèneront là-bas ». Clairement le marketing automation met
la barre plus haute pour les marketeurs : si tu n'as pas la curiosité,
l'intuition ou la connaissance pour poser les bonnes questions, tu n'en
retireras pas grand-chose. On va pouvoir désormais suivre l’expérience
du client au plus près, la customiser davantage et pouvoir vendre des
solutions plus adaptées.
IN : l'automatisation du marketing B2B est-il pionnier pour le BtoC ?
S.Y. : chez nous, les
techniques de B2B sont légèrement différentes de celles de B2C, mais les
programmes d’automation sont aussi applicables au B2C. Au final, le
dialogue avec un client est assez semblable car on parle à un être
humain. La seule différence est de savoir lorsqu'il achète avec son
propre argent ou celui de sa compagnie.
IN : mais l'automatisation du B2C casse-t-elle certaines barrières avec l'audience ?
S.Y. : je pense qu'il
restera toujours des barrières, car l'audience est vraiment
particulière. Mais en termes de techniques et d'efforts, il y aura bien
des convergences. Avant l'automatisation, on ne pouvait pas savoir en
détails ce que quelqu'un faisait. On s'arrêtait à des critères de
localisation, d'âge, de sexe... Aujourd'hui, on peut savoir exactement
ce qu'une personne fait et aime, et ces données s'utilisent aussi bien
en B2B qu'en B2C.
IN : on ne peut pas encore
réellement imaginer le monde de la data dans lequel nous entrons, il est
encore trop immense. Pensez-vous qu'un jour ce sera trop pour le
consommateur, qu'il pourrait dire stop, ne plus vouloir partager qui il
est et ses envies?
S.Y. : cela dépend
toujours de la manière dont vous utilisez la data. Si c'est pour rendre
l'expérience du consommateur meilleure, cela ne devrait pas poser de
problème. Je suis un directeur marketing mais aussi un être humain, je
déteste être bombardé de publicité inutile. Personnellement, je pense
qu'il va y avoir de plus en plus de moyens de bloquer la pub sur
Internet, d'opter facilement pour le désabonnement automatique. On va
pouvoir bientôt choisir de ne plus émettre de données depuis ses
appareils électroniques. Je pense surtout qu'en Europe, on va bientôt
légiférer pour protéger la vie privée. On ne va pas pouvoir arrêter
cela, donc cela nous pousse à produire des services et du contenu de
meilleure qualité que les gens apprécient pour qu'ils n'aient pas envie
d'arrêter le partage de leurs données. On doit respecter ceux auxquels
on s'adresse.