Découvrez le compte-rendu du Delville Best Practice Exchange du jeudi 31 mars 2016 sur le thème du Restructuring.
Les intervenants
Jean-Philippe GROS, Managing Director chez Crédit Agricole – CIB Debt Restructuring & Advisory Services
Fabrice PESIN, Médiateur National – Médiation Nationale du Crédit aux Entreprises
Bertrand PHILAIRE, Directeur Général de transition spécialisé dans le restructuring
Christophe THEVENOT, Administrateur Judiciaire, Associé Gérant de Thevenot-Perdereau-Manière-El Baze
Pierre-Gilles WOGUE, Associé d’Altana, Cabinet d’Avocats d’Affaires
1- Etat des lieux des procédures de restructuring
Malgré des signes de reprise économique dans la zone Euro et en France, les procédures de restructuring d’entreprises en difficulté ne faiblissent pas.
Selon une étude Altares/Deloitte, le nombre des défaillances
d’entreprise est passé, en France, de 60 437 en 2011 à 63 081 en 2015. «
Ce chiffre est beaucoup plus élevé que dans les pays voisins de la
France, analyse Christophe Thévenot, Administrateur Judiciaire, Associé
Gérant de Thevenot-Perdereau-Manière-El Baze. Ce chiffre ne concerne «
que » 24 000 sociétés en Allemagne et 15 000 en Italie. Il faut
reconnaître que dans ces statistiques, la France inclut toutes les
tailles d’entreprise notamment les plus petites entités, qui
représentent 98% du tissu économique français ».
Prédominance des Liquidations Judiciaires
Dans l’hexagone, sur la période 2008-2012, 68%
des entreprises restructurées de moins de 50 salariés ont connu une
liquidation judiciaire directe, 32% passant par un redressement
judiciaire. « Ce ratio est quasiment inverse pour les entreprises de plus de 50 salariés
où on retrouve un taux de 74% de redressement judiciaire et de 26% de
liquidation directe » précise Christophe Thevenot. Les raisons d’un tel
décalage ? « Plus la taille d’une entreprise est importante,
mieux elle est structurée, mieux elle sait s’organiser, anticiper,
s’entourer de conseils et donc choisir les meilleures solutions,
que ce soit des plans de cessions ou des plans de redressement ». Sur
la période 1997-2006, si l’on considère les entreprises en défaillance
réalisant plus de 5 millions d’euros de chiffre d’affaires, pour les 76%
de celles ayant connu un redressement judiciaire, 48% ont trouvé une
solution (en l’occurrence une cession dans 32% des cas).
La solution de la cession d’entreprise
Selon les experts, dans le cadre
d’un restructuring d’entreprise, les cessions représentent bien souvent
les meilleures solutions pour les entreprises. « L’avantage de la cession est que les dettes sont « coupées » et que l’on change d’actionnaire. Quelque part on remet les compteurs à zéro. Les plans de cessions sont bien plus pérennes que les plans de continuation
», analyse Christophe Thevenot. « Lorsqu’une entreprise anticipe ses
difficultés, qu’elle se situe dans une logique de prévention et qu’elle
met en place un diagnostic son avenir sera plus rose malgré les
difficultés bien réelles », ajoute Jean-Philippe Gros, Managing Director
chez Crédit Agricole / CIB Debt Restructuring & Advisory Services.
2- Les solutions de restructuring
Sauvegarde, Redressement Judiciaire, Sauvegarde Accélérée, Liquidation.
Les
solutions sont diverses et variées pour les entreprises passant par une
période de restructuring en fonction de leur santé financière et de
leur degré d’anticipation par rapport à leurs difficultés. «
Quelle que soit la procédure retenue, le plus difficile à gérer concerne
la publicité qui en est faite, notamment vis à vis des clients, des
fournisseurs, des salariés. Il faut
agir avec dextérité et transparence », estime Bertrand Philaire,
Directeur Général de transition spécialisé dans le restructuring.
L’essor des solutions amiables
Depuis quelques années, se sont
développées, pour les entreprises qui ne sont pas encore en cessation de
paiement, les négociations purement amiables, avec soit une négociation
avec les banques, soit avec le Médiateur Nationale du Crédit. Il existe
par ailleurs, des solutions judiciaires amiables avec le Mandat ad’hoc et la Procédure de Conciliation.
Selon le cabinet Deloitte (échantillon de 16 tribunaux), les procédures
amiables sont passées de 615 en 2011 à 938 en 2015 avec une quasi
égalité entre le Mandat ad’hoc et la Conciliation.
La Médiation Nationale du Crédit aux Entreprises
Face au refus de certaines
banques d’apporter leur concours (refus de crédit ou de réaménagement de
dette) les entreprises ont la possibilité de saisir la Médiation
Nationale du Crédit. « Nous avons reçu un grand nombre de
dossiers dès 2009, juste après l’éclatement de la crise des subprimes,
explique Fabrice Pesin, Médiateur National du Crédit aux Entreprises. En
2015, 3000 entreprises nous ont saisi dont un très grand nombre de TPE.
En moyenne, nous validons 70% des dossiers. Ceux que
nous refusons ? Ceux pour lesquels il est souvent trop tard car la
situation est déjà très dégradée. Sur 100 dossiers acceptés, nous
trouvons des solutions pour 60% d’entre eux ».
Côté banques, nous estimons que
nous recherchons systématiquement des solutions viables pour redresser
l’entreprise lorsqu’on est sollicité. « Nous établissons un diagnostic
avec l’entreprise et nous procédons à une réduction de dette à condition
qu’il existe un plan ou une perspective », souligne Jean-Philippe Gros.
Connaître les Assureurs Crédits
Pour Fabrice Pesin, Médiateur National
du Crédit aux Entreprises, les entreprises ne connaissent pas
suffisamment le mode de fonctionnement des Assureurs Crédits qui
dégradent mécaniquement les notes des entreprises en difficulté sans,
parfois que ces dernières ne le sachent. « Il faut connaître les signaux de décotes envoyés par ces organismes en s’abonnant parfois à leurs newsletters ».
3- Les enjeux business du restructuring : la dimension humaine
Les enjeux humains d’un restructuring sont primordiaux.
Selon Bertrand Philaire, Directeur Général de transition, « confronté à
une situation capitalistique délicate, le dirigeant doit être dans la confiance, il doit être en mesure de continuer à expliquer la situation et à motiver ses équipes. Il doit être en mesure de décrypter ces mesures de sauvegarde vis à vis de ses clients et de ses fournisseurs afin de conserver leur confiance ».
4- Conclusions
Selon Christophe Thevenot, un chef d’entreprise responsable doit être formé et préparé à toutes les éventualités concernant la viabilité de son entreprise. « Un redressement judiciaire bien préparé peut être une bonne solution » plaide-t-il.
Selon Pierre-Gilles Wogue, Associé d’Altana, Cabinet d’Avocats d’Affaires « dans
la vie des affaires, les difficultés économiques sont, par nature,
inévitables. Il faut savoir rebondir, saisir une seconde chance. De
nombreux outils réglementaires existent, il faut savoir les utiliser à
bon escient, en se faisant accompagner le cas échéant ». « Les
entreprises en difficulté, estiment que c’est mission impossible de se
restructurer lorsque leur situation est dégradée. Rien n’est plus faux.
Il existe de nombreuses solutions, comme le plan de cession d’entreprise
ou la prise de capital sur des sociétés côtées », estime Jean-Philippe
Gros.
Pour Bertrand Philaire, « une entreprise
doit aussi savoir changer de secteur d’activité, en accord avec ses
actionnaires, si celui sur lequel elle évolue n’est plus viable. Quoi
qu’il en soit, un redressement judiciaire s’anticipe. Ce n’est pas forcément la fin du monde ».