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Après
Dove et Nivea, c'est au tour de Virgin Active au Royaume-Uni et d'Ikea
en Chine de tomber, non sans lâcheté et hypocrisie, dans le piège du
culpa immédiat. Pourtant, ce dernier ne force pas la réflexion et
l'auto-critique intelligentes.
Une marque qui s'excuse par peur, nuit à son mea culpa
Publié le 02/11/2017
" Qui s'excuse, s'accuse " : les marques feraient bien de méditer la pensée de Stendhal. Car dans un manichéisme action-réaction aussi binaire qu'un code de Gray, leur promptitude au mea culpa dès le premier haro venu sur la Toile confirme la double nocivité du trop d'importance accordée à l'e-réputation : primo, l'annonceur retourne sa veste aussi vite que la girouette de Dutronc
sans prendre le temps de défendre un message validé en amont pour des
raisons qui a priori méritent d'être expliquées; secundo, s'excuser sans
justifier donne raison au brand bashing, y compris donc celui qui n'est ni justifié ni justifiable. Face au " J'accuse ",
la marque doit assumer pour induire une introspection plus utile à
moyen terme qu'un communiqué aussi fadasse et personnalisé qu'une lettre
de refus à l'embauche. Après les excuses en panique de Dove aux Etats-Unis et celles de Nivea en Afrique, Virgin Active au Royaume-Uni et Ikea en Chine sont, elles aussi, tombées dans le piège.
Pour l'enseigne de clubs de fitness de
Virgin, le cas n'a rien de nouveau mais reste rare. La critique est
venue de l'égérie d'une campagne print, en l'occurrence Simone Botha Welgemoed,
danseuse classique et mannequin de 22 ans photoshopée malgré elle.
L'objet de son courroux donne tout son retentissement à son post
accusateur publié sur Facebook : son implant cochléaire
a été supprimé de la photo retouchée. Elle le porte depuis l'âge de
deux ans et aurait bien aimé que la marque, au moins, la prévienne et
lui demande la permission. Simple. Basique, comme dirait Orelsan. " Est-ce que mon implant ne sied pas à la représentation de la vie parfaite portraitisée par Virgin Active ? ", s'est-elle donc lâchée sur le réseau social.
La réponse de la marque a été immédiate.
Elle a retiré la photo photoshopée de la campagne et organisé une
réunion d'urgence avec la mannequin, qu'elle s'est évidemment fait un
malin plaisir de promouvoir via un communiqué de son porte-parole sur le
Mail Online, le site internet officiel du Daily Mail et du Mail on Sunday : "
Nous avons parlé chacun avec nos coeurs et allons travailler avec
Simone pour mieux éduquer autour de cette question. Nous allons relancer
la campagne avec la photo initiale non retouchée. Nous admettons que
retoucher une photo ne colle pas à nos valeurs ". Pourquoi donc
l'avoir fait ? La valeur avec les marques, c'est un peu comme avec les
sportifs célèbres englués dans un scandale extra-sportif, elle n'existe
que pour s'excuser.
Quand Ikea rétro-pédale maladroitement
Le second cas est différent et beaucoup
plus classique. Dans un spot TV de 30 secondes, Ikea fait dire à une
mère d'une jeune femme célibataire qu'elle pourra l'appeler " maman "
quand elle aura un mec. Dans la foulée, la fille se lève et va chercher
son nouveau petit ami qui vient de sonner à la porte. Les parents sont
aux anges et grâce au géant suédois préparent une table de mariage pour
célébrer l'arrivée du prince charmant. Plus maladroitement et lourdement
sexiste eut été difficile. Mais là encore, Ikea a donné son aval avant
la diffusion du spot, sans se dire une seule seconde que le message
ferait scandale. Rattrapée par la patrouille de l'égalité sexuelle sur
la Toile, la multinationale pourtant si avant-gardiste dans son
marketing en Europe s'est excusée illico.
" Le film a été retiré de toute les chaînes et nous nous excusons sincèrement pour la mauvaise perception qu'il a pu engendrer ", a affirmé la porte-parole d'Ikea en Chine sur le site de la Thomson Reuters Foundation.
Si la perception est " mauvaise ", c'est donc que l'intention était
tout autre. Pourquoi donc ne pas prendre le temps de l'expliquer et de
défendre la pub, aussi nulle soit-elle ? Publié sur Weibo, le mea culpa de la marque a été largement critiqué, induisant plus de 1500 commentaires négatifs.
Benjamin Adler
Journaliste
et spécialiste communication, innovation et média du marché U.S. Après
15 années à l'étranger dont 5 aux Etats-Unis, il est de retour en France
et abreuve l'éditorial d'INfluencia de son expérience internationale.
Twitter : @BenjaminAdlerLA