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« Les agences ont tendance à vendre de l’aqua simplex au prix de l’eau bénite » http://www.influencia.net
Publié le 30/11/2017
Les
principes du circuit court et de l'économie collaborative peuvent-ils
aider la pub à nouer un contact direct, quasi instantané avec les
annonceurs ? Première agence en boutique, Self Publicité le pense et
veut " dé-snobinardiser " la créativité publicitaire.
" Tu fais quoi cet après-midi Pierrot, tu peux venir m'aider à déménager ? ". " Désolé Jeannot j'peux pas je dois aller en magasin créer ma campagne de pub
". Si vous pensez que Pierrot mitonne -avec une once d'originalité dans
l'alibi anti-traquenard- c'est que vous avez raté une information :
depuis le 16 octobre s’est ouverte à Paris la première agence de
publicité en boutique. Espace dédié aux PME/PMI, commerçants, artisans,
professions libérales et même au grand public, des cibles souvent
délaissées par les agences classiques, Self Publicité
veut mettre la création publicitaire à la portée de tous, avec des
offres extrêmement variées (logo, site, magazine digital et print,
application, brochures…).
Lancé par deux vieux de la vieille de l'industrie, Christine Malleret (Publistory) et Jean Bourgoin
(The Small Creative Place), le concept - qui est une offre conjointe
complémentaire des deux agences des fondateurs - permet un ancrage local
en lien avec l’activité commerciale et sociale d’un quartier ou d’une
ville. Avec la proximité qu'amène ce point de vente physique, Self Publicité se
targue d'être dans le vrai pour des vrais gens dans une vraie boutique
et un vrai langage que tout le monde comprend. Comme si le reste de la
pub était devenue aussi " posh " qu'une ancienne Spice Girl devenue
femme de footballeur. " Quoi de plus simple que de pousser la porte
d’une boutique et de pouvoir exposer simplement une problématique sans
crainte de se retrouver dès le premier conseil avec une facture
d’honoraires à faire pleurer le plus endurci de nos économistes ", argumente Christine Malleret. Interpellé, INfluencia a discuté avec elle pour comprendre les raisons et ambitions de cette agence-boutique qui a priori n'a rien d'éphémère. Et qui pose évidemment des questions sur le rapport pub-citoyen.
IN : pourquoi personne n'a -t-il
pensé avant vous à ce concept de boutique/agence alors que finalement
chaque acteur de la pub s'accordera sur son utilité ?
Christine Malleret :
les idées les plus simples sont souvent les meilleures, mais ce qui
compte c’est de les faire exister. Au contraire, nous pensons que
beaucoup y ont pensé mais personne ne l’a fait : trop simple ! Ce qui
nous différencie des autres acteurs de la communication, c’est justement
de penser que la simplicité peut cohabiter dans une approche
publicitaire. Un concept auquel on croit et que nous avons décidé de
concrétiser. Nous vendons des idées donc il paraît juste évident d’en
avoir au moins un peu.
IN : s'agit-il de rendre plus
humaine et plus compréhensible une création publicitaire dont le
processus en agence est de plus en plus lourd, cross-canaux oblige ?
C.M. : il s’agit
surtout de proposer un nouveau modèle de collaboration, plus simple et
plus direct. Loin de l’emphase qui souvent tient lieu d’esprit dans le
petit monde de la publicité, nous proposons avant tout un vocabulaire
cohérent, accessible à tous : moins de grands discours, moins de slides
et de Powerpoint et plus de dialogue et de contact direct avec les
créatifs. La proximité que nous entretenons avec nos clients nous permet
de porter nos réflexions vers l’essentiel. Nous ne voulons pas revenir à
la réclame à la papa des années 70 mais juste simplifier des process
devenus complexes souvent par besoin de justifier les anglicismes
vaporeux et de payer certaines résidences secondaires.
IN : vous dites vouloir faire de
chaque petit client un grand client, comme si finalement le budget
dudit client n'était pas un critère : vous marxisez donc un peu la pub
non, camarades ?
C.M. : chez Self
Publicité, nous sommes marxistes, tendance Groucho comme le disait Woody
Allen. Marxiser voudrait dire brider la créativité, uniformiser,
standardiser. Nous voulons au contraire la libérer, la démocratiser, la
rendre accessible à tous. A son juste prix. En supprimant les
intermédiaires et les surcoûts. En replaçant l’humain au centre, sans
pour autant renoncer aux nouvelles technologies. Ce n’est pas un retour
en arrière, au contraire c’est un pas en avant. Nous nous inscrivons
dans ces nouveaux modèles économiques, raccourcis et collaboratifs, qui
permettent aux professionnels et aux clients d’entrer en contact direct,
quasi instantané. Et cela dans une simple boutique, libérée des process
contraignants, du poids des infrastructures et des charges
administratives. Il ne s’agit pas de faire du low cost, mais de ne pas
faire payer " l’emballage ". Nous ne sommes pas là pour faire des
tutoriels ou pour apprendre aux gens à se servir d’une clé de douze.
Notre vocation est de simplifier l’accès à la création publicitaire. "
Self " pour nous ça ne veut pas dire " Do it yourself ", ça veut dire
facile, simple, rapide, accessible.
IN : vendre une pub " sans prise de tête ", c'est regretter la snobinardisation (et la sur-facturation) des (souvent grosses) agences ?
C.M. : on ne regrette
rien, on vient tous les deux de ce monde-là. Simplement ce sont deux
mondes différents : le nôtre, aujourd’hui, c’est celui des petites
entreprises, des petits budgets, des start-up et des jeunes
entrepreneurs. Pour lesquels on est prêts à lever notre crayon même
s’ils n’ont que 5 000 ou 10 000 € à mettre sur la table. On veut
inventer autre chose, une autre manière de vendre de la pub. Notre
objectif n’est pas de draguer Danone ou L’Oréal dans notre boutique,
même si nous savons le faire et que nous l’avons déjà fait. Chacun son
terrain de jeu, les (souvent grosses) agences ne sont pas nos
concurrents. Mais il est vrai qu’elles ont une fâcheuse tendance à
vendre de l’aqua simplex au prix de l’eau bénite.
Benjamin Adler
Journaliste
et spécialiste communication, innovation et média du marché U.S. Après
15 années à l'étranger dont 5 aux Etats-Unis, il est de retour en France
et abreuve l'éditorial d'INfluencia de son expérience internationale.
Twitter : @BenjaminAdlerLA