Adblock ou comment sortir d'un trou noir publicitaire
Publié le 06/10/2016
publié par INfluencia
Benjamin Adler
Benjamin
est le correspondant d’INfluencia aux Etats-Unis, à Los Angeles, depuis
octobre 2011. Diplômé de l’ESJ Paris et du CFPJ, il a également été
correspondant à Sydney et Bruxelles. Il est un témoin privilégié des
nouvelles tendances collaboratives et technologiques en couveuse.
Twitter : @BenjaminAdlerLA
La dernière étude de l'agence Fabernovel Data & Media "Adblock, enquête sur un détraqueur de performance digitale", apporte son écot au débat sur les moyens de contourner l'Adblocking et amène des solutions à ce véritable phénomène économique et sociétal.
La pub bloquée est morte, vive la pub bloquée. La société allemande Eyeo, qui édite Adblock Plus, le plus populaire des bloqueurs de publicité, a ouvert en septembre sa marketplace pour annonceurs. Ubuesque non ? "Foutage de gueule et racket",
se plaignent plusieurs éditeurs, sites web et associations
professionnelles. Concrètement, un annonceur peut donc désormais acheter
des espaces publicitaires avec Adblock Plus à
condition de respecter un cahier des charges obligeant à des formats peu
intrusifs. Voilà un contrepied inattendu au ras le bol fondateur d'un
phénomène qui a quadruplé ses adeptes en quatre ans.
En prenant le pari mercantile de trahir les idéaux de l'Adblocking, Eyeo
rebat les cartes du poker publicitaire qui depuis deux ans se joue sur
les tapis des agences créatives, des agences média et des as de la
programmatique. Tous ces acteurs ne sont pas d'accord sur les arsenaux
de contournement mais se rejoignent par contre pour tirer sur toutes les
cordes analytiques qui tel le sésame d'Ali Baba leur ouvrira les portes
de l'utilisateur. Pour combattre ton ennemi, apprends à le connaître,
n'est-ce pas ? "Pourtant, on ne sait à ce jour rien ou presque du
profil des utilisateurs d’Adblocks, ni des spécificités de leur
comportement online", assure l'agence Fabernovel Data & Media pour présenter le produit d'appel de "la première étude d’envergure portant sur ce trou noir publicitaire ".
Réalisée à partir de l'analyse d’un échantillon représentatif de 9,8 millions de sessions desktop, entre mai et août 2016, l'étude intitulée "Adblock : enquête sur un détraqueur de performance digitale" n'est pas la première, comme le promet son auteur. Ipsos et l'IAB avaient déjà, par exemple, dressé le portrait robot de l'Adblocker, l'hiver dernier. Mais l'enquête de Fabernovel Data & Media
possède d'autres atouts. Elle a notamment reposé sur l'injection d'un
script n’interférant jamais sur la navigation de l’internaute
privilégiant l’observation des comportements véritables, plutôt que ceux
déclarés par les internautes. Quels sont les principaux enseignements
factuels ?
Développer des stratégies de performance digitale responsables n’est plus juste une option
Primo, le phénomène concerne majoritairement les hommes (58% d’hommes, 42% de femmes), les jeunes (deux tiers des utilisateurs d’Ablocks ont entre 18 et 34 ans), et les utilisateurs d’un navigateur installé (Chrome ou Firefox) plutôt que celui proposé par défaut sur leur desktop (Explorer ou Safari). Secundo, l’utilisateur d’Adblock est
sensiblement plus engagé puisqu'il consulte plus de pages par session
(+8,5%) et présente un taux de conversion significativement plus
important que les autres internautes (+15%). Tertio, la présence forte des Adblocks chez les jeunes (deux tiers ont entre 18 et 34 ans) indique une diffusion du phénomène au fil de la pyramide des âges et, in fine sa généralisation dans un avenir proche. "Cette
découverte implique un réajustement nécessaire des stratégies digitales
des annonceurs, aujourd’hui trop intrusives, peu adaptées, et
finalement peu performantes", analyse Yassine Belfkihle le co-fondateur de Fabernovel Data & Media. INfluencia a voulu en savoir plus en trois questions.
INfluencia : en quoi connaître
l'Adblocker et ses comportements aide les annonceurs et les agences,
sachant que son profil peut difficilement être hégémonique ?
Yassine Belfkih :
étudier le profil a permis de savoir s’il existait effectivement un
profil type de l’utilisateur d’Adblock, et s’il représentait une cible
importante et à fort potentiel pour les annonceurs qui devront alors
revoir leur stratégie s’ils ne veulent pas se priver définitivement
d’une part importante de leurs interlocuteurs. À titre d’exemple, un
annonceur dont la cible principale est “les jeunes hommes” devra
fortement prendre en compte l’usage intensif des Adblocks chez ces
personnes, et élaborer une stratégie digitale plus habile et responsable
pour parler efficacement à ses interlocuteurs, tout en contournant la
barrière dressée par les systèmes d’Adblocking. Par ailleurs, l’analyse
des comportements a permis de lever le voile sur une inconnue
jusqu’alors mise de côté par les études : les utilisateurs d’Adblocks se
comportent-ils réellement différemment des autres internautes? L’étude a
effectivement mis en exergue cette différence, avec des utilisateurs
d’Adblocks plus engagés. Cet enseignement témoigne de l’importance pour
les annonceurs et agences de revoir leur stratégie digitale, et de se
tourner vers des stratégies plus responsables, et finalement plus
performantes. Développer des stratégies de performance digitale
responsables n’est plus juste une option.
IN : avez-vous été surpris par les résultats de votre enquête concernant le profiling de l'ad-blocker ?
Y.B. : la présence des
Adblocks majoritairement chez les jeunes n’a pas été surprenante dans la
mesure où ces derniers sont dotés d’une appétence plus importante pour
l’univers digital. La légère sur-représentation des hommes va également
dans ce sens. Néanmoins, il était important de formaliser objectivement
le profil types des utilisateurs d’Adblocks, et sortir définitivement
des modèles basés sur de simples suppositions et intuitions.
IN : l'ad-blocking est une
problématique qui aujourd'hui encore dépasse les agences (contenu) et
les annonceurs (programmatique). Comment lutter contre un phénomène au
développement a priori immuable en changeant les codes et les mentalités
publicitaires online ?
Y.B. : la forte
tendance à appliquer en ligne les mécanismes de marketing offline s’est
révélée contre-productive et a alimenté l’émergence et la diffusion de
l’Adblocking. Pour endiguer ce phénomène, il est primordial d’abandonner
ces stratégies publicitaires de masse et d’opter pour des démarches
personnalisées, plus responsables, et finalement plus performantes. Pour
ce faire annonceurs et agences doivent travailler dans la même
direction, et actionner 3 leviers principaux : un levier technique, avec
la fin des formats publicitaires forcés; un levier éditorial, avec
l’utilisation de formats intégrés au fond et à la forme du média
employé; et un levier stratégique avec l’optimisation des campagnes
clients et de prospection grâce à l’activation des données First et
Third Party. Enfin, en toute circonstance, il est impératif de rester
focalisé sur la finalité, c'est-à-dire l’audience, et non sur le moyen,
c'est-à-dire les canaux d’acquisition employés pour l’atteindre.
Aujourd’hui, cela signifie s’engager dans une approche refondée de
l’acquisition digitale, celle de la performance contextuelle (approche
désilotée, prise en compte des réalités offline et de l’environnement
externe des annonceurs).
Benjamin Adler
Benjamin
est le correspondant d’INfluencia aux Etats-Unis, à Los Angeles, depuis
octobre 2011. Diplômé de l’ESJ Paris et du CFPJ, il a également été
correspondant à Sydney et Bruxelles. Il est un témoin privilégié des
nouvelles tendances collaboratives et technologiques en couveuse.
Twitter : @BenjaminAdlerLA