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Vivons-nous dans la Matrice ?
Introduction
C’est la question très sérieusement posée par quelques puissants connectés de la Silicon Valley.
Un article signé Sébastien Houdusse, Directeur Général Adjoint BETC DIGITAL.
Vous souvenez-vous de
Matrix, des tribulations de Neo qui arrête les balles et essaie de
s’échapper d’un monde créé par un ordinateur surpuissant ? Et si je vous
disais qu’en fait Matrix n’était pas seulement un film, mais la
réalité ? Et si l’on vivait vraiment dans la Matrice, dans un monde
virtuel géré par un ordinateur ?
Alors, évidemment, là, vous vous dites que j’ai un peu forcé sur l’ayahuasca. Et pourtant, l’idée de vivre dans un « computer simulated world »
est l’un des derniers récits en vogue dans la Silicon Valley. Ainsi,
Elon Musk (encore lui !) affirmait à la conférence « Recode » en juin
2016 dernier qu’il y a de très fortes chances que nous ne vivions pas
dans une réalité tangible. Plus récemment, Neil deGrasse Tyson, l’astrophysicien star américain, débattait lui aussi très sérieusement de cette possibilité.
Les tenants de cette théorie totalement
improbable au premier abord se réclament de nombreux penseurs et
scientifiques, certains remontent jusqu’à Descartes, mais la référence
la plus populaire est celle du philosophe Nick Bostrom, de l’université
d’Oxford, qui a publié en 2003 « Are you living in a computer simulation ? » (Philosophical Quarterly, vol. 53, n o 211, p. 243-255).
Que raconte le philosophe et futurologue suédois ? Il imagine que nos
descendants, ayant profité des progrès exponentiels et fulgurants des
ordinateurs et autres intelligences artificielles, pourraient mettre en
place des simulations virtuelles, pilotées par un ordinateur,
pour revivre la vie de leurs ancêtres. Pour prouver son point de vue, il
s’appuie sur une extrapolation des progrès techniques actuels.
Aujourd’hui, les performances de la réalité virtuelle sont tellement
impressionnantes que l’on peut imaginer dans un futur proche qu’une
simulation générée par un ordinateur soit impossible à distinguer du
monde réel.
Résumons : le monde dans lequel nous vivons ne serait qu’une simulation générée par un superordinateur, extrêmement performant, piloté par nos descendants dans le futur. Wow, mindblowing right?
Évidemment, nombreux sont ceux qui ne
partagent pas le point de vue de Musk et consorts. Max Tegmark,
professeur de physique au MIT, déclare au Guardian : « Est-il
logiquement possible que nous vivions dans une simulation ? Oui.
Vivons-nous dans une simulation ? Je dirais non. » En clair, il n’y a aucune preuve de l’existence de cette réalité simulée. Fin du débat ?
Le monde dans lequel nous vivons ne serait qu’une simulation générée par un superordinateur, extrêmement performant, piloté par nos descendants dans le futur
Aucune preuve vraiment ?
Le Brexit, l’élection de Trump, le cafouillage énorme des oscars au
moment de la nomination du meilleur film cette année… Tous ces
événements improbables, jamais vus et encore moins anticipés, sont pour
les tenants de la théorie autant de preuves que l’ordinateur qui
gère notre simulation est en plein bug et qu’il serait donc possible de
trouver la faille, et enfin de sortir de la Matrice. C’est à
cela que travailleraient, dans le plus grand secret, des scientifiques
de renom, financés par les milliardaires de la tech.
Que toute cette théorie soit vraie ou fausse importe finalement assez peu. Elle est surtout révélatrice de la manière dont la Silicon Valley pense le monde.
Si ses leaders n’ont pas vu venir des événements comme Trump ou le
Brexit, pour eux, c’est forcément lié à une erreur technologique, lié au
fait que, quelque part, un ordinateur ou une intelligence artificielle a
mal fonctionné. C’est même profondément idéologique : ils ne peuvent
pas croire que leurs congénères, des humains, qui ne pensent pas comme
eux, soient à l’origine de ces mouvements. Ils ne peuvent pas se
résoudre au fait que la technologie n’explique pas tout.
Et c’est en cela que nous ne partageons pas forcément la même vision du
monde, nous qui avons la faiblesse de croire que l’humain et son
caractère imprévisible peuvent encore faire la différence, pour le pire
de temps en temps, et pour le meilleur le plus souvent, on l’espère.
Cet article est paru dans la revue 11 de L’ADN : Connexion – Déconnexion – Reconnexion. A commander ici.