AVANT-PROPOS
La mise en garde de Pascal Bovéro, Délégué général de l’UNIIC
L’étude UNIIC/Acsel Banque de France
participe d’une volonté de l’UNIIC d’offrir à ses membres un diagnostic
financier général, adossé à des ratios-types dont l’analyse permet de
redéfinir le regard que tous les acteurs associés au développement des
industries graphiques se doivent d’avoir, pour qualifier et évaluer
un secteur industriel aux caractéristiques complexes. C’est pour tendre
vers cet objectif que l’UNIIC a souhaité observer, comprendre et
interpréter en disposant d’un référentiel métier.
Observer
Le diagnostic financier hors contexte n’a qu’une valeur relative,
c’est pourquoi il nous faut disposer de référentiels de positionnement
pour éclairer les entreprises mais aussi les préteurs… L’étude annuelle
qui comporte plusieurs focus régionaux participe de cette approche.
Comprendre et interpréter
Tout diagnostic, a fortiori financier portant sur un secteur ou une filière, est avant tout un art d’interprétation.
Cet art s’adosse dans le cas présent à l’information comptable qui
forme le matériau de base du diagnostic. Comprendre et interpréter
suppose de retraiter l’information comptable et construire des représentations pertinentes.
Les grilles d’analyse
Comme tous les outils d’observation, les
grilles d’analyse et surtout les ratios et indicateurs significatifs
doivent être utilisés avec discernement. Discernement car un ratio n’est
représentatif que dans la durée surtout pour les ratios de rotation, de même pour les ratios de structure
qui sont ici détaillés dans l’étude Acsel, les témoins lumineux que
sont ces ratios ne peuvent s’interpréter qu’en fonction des contraintes
technico-financières liées à la nature des activités des entreprises et
des plan stratégiques d’investissement de celles-ci, qui relèvent de
leur souveraineté. C’est aussi pourquoi, il serait inefficace voire dangereux de se focaliser sur une référence standardisée.
Ainsi pendant plusieurs années, le secteur graphique frappé d’une part
par la décroissance structurelle amorcée au début des années 2000 puis
par la crise financière de 2008 a été évalué selon une conception patrimoniale.
Centrée sur la seule solvabilité et la liquidité, l’analyse des
établissements financiers était appréciée au travers de la capacité de
l’entreprise à couvrir ses engagements à court terme. Les analyses qui
prévalent aujourd’hui ont progressivement (mais insuffisamment) rompu
avec cette logique et privilégie l’aptitude de toute imprimerie à
financer ses emplois stables par des ressources stables. L’ensemble des
paramètres que nous valorisons dans l’étude n’a donc de sens qu’adossé à
un diagnostic stratégique des entreprises pour bien passer d’une logique comptable statique à une logique économique et financière dynamique.
« Le bilan de santé du secteur graphique » : c’est ce que nous
promettait de détailler l’actualisation des principaux ratios financiers
de la branche, présentée par Françoise Carré, chargée d’étude
économique pour la Banque de France…
Présentant la particularité d’un triple focus régional Auvergne
Rhône-Alpes, Bourgogne & Franche Comté, Provence Alpes Côte d’Azur,
cette remise à jour de référents professionnels statistiques et
financiers, symbolise le regard lucide que nous nous devons d’avoir sur
nos métiers et ses principaux équilibres économiques. « Dès septembre,
nous travaillerons également sur des champs connexes, étiquettes
adhésives et cartonnage notamment » précise Pascal Bovéro, dans une
volonté d’étendre le spectre d’analyse, de l’imprimerie de Labeur aux
industries de la transformation. L’objectif : dresser un panorama
économique et financier aussi complet et fiable que possible, de sorte à
éclairer les dossiers des entreprises au mieux et au plus juste, auprès
des établissements financiers… « Plusieurs hypothèses avaient été
émises lorsque nous avons réactualisé cette enquête sectorielle : soit
le rebond, soit la stagnation, soit le reflux. Or, en fonction des
ratios, nous n’obtenons pas les mêmes tendances » prévient Françoise
Carré, qui laisse déjà entendre qu’il n’est pas question ici de décrire
un élan univoque, mais bien de décrypter les variations et en donner une
ou des lectures.
Françoise Carré, chargée d’étude économique pour la Banque de France.
Volet panoramique
Déployé sur le champ de l’imprimerie de Labeur (1812Z) et du
prépresse (1813Z), ce premier volet comparatif met donc en perspective
les tendances observées au sein des industries graphiques d’une part et
de l’industrie en général d’autre part. Premier constat : si sur la
période 2011/2016, on déplore sans surprise une diminution du nombre
d’entreprises (- 7,7 % sur la période considérée pour le Labeur, – 0,7 %
pour le prépresse, contre + 0,6 % pour l’industrie), les mêmes
tendances s’en trouvent globalement reproduites au sein des trois
bassins étudiés, qui affichent pour le segment Labeur – 7,4 % en
Rhône-Alpes, – 7,9 % en Bourgogne et – 3,9 % en PACA. C’est en termes de
tailles d’entreprises que des différences notables commencent à
poindre : « On a des entités sensiblement plus petites en PACA, où la
proportion de microentreprises de moins de 9 salariés atteint 86,3 %,
contre 78,2 % en Rhône-Alpes et 65,1 % en Bourgogne » précise Françoise
Carré. Des écarts pour partie liés selon elle aux spécificités
historiques desdits territoires, la Bourgogne étant notamment connue et
reconnue pour ses vins et ses spiritueux, se dotant ainsi logiquement
des moyens industriels adéquats pour produire les étiquettes adhésives
associées… Mais on constate également que les entreprises en PACA sont
globalement décrites comme « plus récentes et plus agiles », au point de
sembler résister un peu mieux puisque la diminution du nombre
d’entreprises sur la période étudiée y a été plus faible qu’au niveau
national (3,9 % versus 7,7 %). Parmi les particularités plus ou moins
« locales » mises en évidence par l’étude, notons ce que Françoise Carré
qualifie de « coup de jeune » en Bourgogne, où l’âge moyen des
dirigeants se révèle sensiblement moins élevé. « Nous y observons que
presque la moitié des dirigeants a moins de 50 ans » souligne-t-elle en
effet, voyant là les probables effets collatéraux d’une vague de
cessions/transmissions plus importante qu’ailleurs. L’occasion également
de noter que seulement 17 % des gérants d’entreprises sont des femmes
(30,7 % en cogérance), soit une proportion relativement faible mais
nouvellement mesurée, dont il sera intéressant de voir si elle évolue à
l’avenir vers un rapport plus équilibré…
On note, en outre, sans que ce chiffre soit alarmant, que 2016 a
enregistré une nouvelle recrudescence (accidentelle ?) de défaillances :
on en dénombre exactement 109 contre 85 en 2015. « Cela représente 2,4 %
de la population des entreprises d’imprimerie de Labeur, 1,9 % en
prépresse pour 1,8 % dans l’industrie en général » détaille Françoise
Carré. Il s’agit en l’occurrence toujours du même profil-type : des
entreprises qui avaient plus de 12 ans, de petite taille (70 % de moins
de 10 salariés) et qui étaient « historiquement implantées »… Une
vulnérabilité que l’on ne retrouve pas chez les entreprises plus
récentes, plus agiles et innovantes, visiblement mieux insérées dans la
réalité du marché en 2017. Un constat qui, selon Pascal Bovéro, « va à
l’encontre de ce que l’on observe dans le reste de l’industrie où les
start-ups ont une durée de vie moyenne de 3 ans »… D’où l’absolue
nécessité de travailler à la recapitalisation de cette famille
d’entreprises, potentiellement porteuses, sans les amalgamer aux
start-ups susmentionnées, factuellement plus fragiles. Autre tendance :
« Le secteur de l’imprimerie est sujet aux restructurations, bien
davantage que dans l’activité prépresse, et autant que dans l’industrie.
Ces regroupements vont nécessairement contribuer à la consolidation du
secteur et seront bénéfiques à l’activité. C’est un axe de progrès : il
vaut mieux travailler à ces regroupements que d’enregistrer des
défaillances ».
Volet économico-financier (entreprises avec bilan cotées par la Banque de France avec un seuil de CA supérieur à 750 000 €)
Analyse économique
Pour Françoise Carré, difficile de ne pas noter que « si les
entreprises de 50 à 249 salariés sont relativement peu nombreuses, leur
poids économique représente plus des 2/3 de l’activité globale ». Elle
ajoute : « Le chiffre d’affaires est constitué aux 2/3 de production de
biens, 3,6 % de ventes de marchandises et 26,4 % de prestations de
services (papier fourni notamment) ». Rien de surprenant a priori,
jusqu’à cette relative contrariété : « On observe une baisse d’activité
notable entre 2014 et 2015 (- 1,6 points) et une baisse encore plus
importante de la valeur ajoutée (- 2,4 %) ». Un phénomène qui se décline
quasiment tel quel au sein des bassins régionaux étudiés et qui vient
entraver les espoirs d’une reprise, émis quelques mois plus tôt. Le taux
de marge brute, lui, bien que toujours supérieur à celui de
l’industrie, enregistre une baisse en 2015 (- 0,4 points) après un
rebond en 2014 finalement resté sans suite… Françoise Carré note
toutefois que « Le résultat net sur chiffre d’affaires se maintient au
même niveau qu’en 2014, du fait de la baisse d’activité, ce qui se
traduit par une stabilisation de l’investissement » bien que celui-ci
s’avère dans le détail extrêmement concentré. Enfin, Françoise Carré
souligne que « Le nombre d’entreprises bénéficiaires est en
amélioration », ce qui amène heureusement à tempérer les déceptions nées
de la non-continuité des dynamiques positives enregistrées pour l’année
2014 et présentées en cette même-occasion lors du précédent Congrès.
Analyse financière
« Un quart des entreprises possède des fonds propres inférieurs à 24 %
et un quart se situe au-delà de 56 % (27 % et 60 % pour l’industrie) »
ce qui traduit pour Françoise Carré la réalité d’une
sous-capitalisation d’une part significative des entreprises de
l’imprimerie de Labeur. « Cependant, la capacité de remboursement des
imprimeurs et des entreprises de prépresse est globalement meilleure que
dans l’Industrie » notre Françoise Carré, qui précise que « plus de 60 %
des entreprises 1812Z et 65 % des entreprises 1813Z se situent dans la
tranche la plus basse des délais de remboursement, à savoir moins de 3
ans et demi ».
La cotation Banque de France
Deux tiers des entreprises 1812Z sont cotées favorablement, voire se
sont vues attribuer la cotation d’excellence. Entre 2011 et 2015, le
nombre d’entreprises positivement cotées s’est ainsi nettement renforcé
même si parallèlement, le nombre d’entreprises vulnérables a également
légèrement augmenté… « Sur 200 entreprises qui avaient une trésorerie
nette inférieure au premier quartile, presque 18 % sont en difficulté »
précise en effet Françoise Carré. Une réalité que l’on retrouve plus ou
moins à l’échelle plus locale puisqu’en Rhône Alpes et en
Bourgogne/Franche Comté, on constate effectivement à la fois une
amélioration de la cotation des entreprises les plus solides, ainsi
qu’une dégradation par le bas, créant une situation de grand écart où
les extrêmes s’accentuent. Il n’y a qu’en PACA que la dégradation est
générale, passant de 17,2 % d’entreprises vulnérables en 2011 (dont 2,5 %
très vulnérables) à 31,7 % en 2015 (dont 8,5 % très vulnérables).
Des contrastes qui ne doivent cependant pas faire perdre de vue la
réalité d’un renforcement global, malgré des disparités évidentes en
fonction de la façon dont les entreprises sont à ce jour structurées et
conduites sur le plan stratégique, dans un contexte de mutation des
marchés qui n’est visiblement pas achevée…