Au troisième trimestre, le réseau social a réalisé un chiffre
d’affaires de 7,01 milliards de dollars, en hausse de 55,8% sur un an.
David Wehner, directeur financier de Facebook, a déclaré aux
investisseurs que la firme de Menlo Park s’attend à voir sa croissance
ralentir «sensiblement» en 2017.
A la recherche de nouveaux relais de croissance, Facebook mise sur
la vidéo pour affronter la concurrence de Snapchat et Instagram.
Facebook continue d’augmenter ses revenus et sa base d’utilisateurs. Au
troisième trimestre, le réseau social a réalisé un chiffre d’affaires
de 7,01 milliards de dollars, en hausse de 55,8% sur un an. Quant au
bénéfice net, il s’élève à 2,37 milliards de dollars, contre 891
millions de dollars au troisième trimestre 2015.
Dans le même temps, Facebook a enregistré 80 millions d’utilisateurs
supplémentaires pour atteindre 1,79 milliard de personnes sur la
plateforme. De plus, le réseau social a franchi un nouveau cap sur
mobile. Facebook revendique désormais 1,09 milliard d’utilisateurs
actifs quotidiens sur mobile, soit une progression de 22% sur un an.
Les revenus publicitaires atteignent leur limite
Malgré des chiffres en progression constante, supérieurs aux prévisions
des analystes financiers, David Wehner, directeur financier de
Facebook, a rapidement refroidi les actionnaires. Et pour cause, il a
déclaré aux investisseurs que la firme de Menlo Park s’attend à voir sa
croissance ralentir «sensiblement» en 2017.
Le réseau social ayant atteint la limite du nombre de publicités qu’il
peut afficher dans le fil d’actualité de ses utilisateurs, cela signifie
que Facebook ne peut pas continuer à voir ses revenus progresser en
augmentant son volume de publicités. «Avec une contribution beaucoup
plus faible de la publicité à l’avenir, nous nous attendons à voir les
taux de croissance des revenus publicitaires baisser de manière
significative», explique David Wehner.
Conséquence directe de cette annonce, le cours de Facebook a plongé de
7% à la clôture du Nasdaq le 2 novembre. Faute de pouvoir compter sur la
publicité pour faire croitre ses revenus, la firme de Menlo Park
prévoit d’augmenter ses dépenses l’an prochain. «2017 sera une année d’investissement agressif»,
précise le directeur financier de Facebook. Cela passera notamment par
une phase recrutement d’ingénieurs et l’installation de nouveaux centres
de traitement de données.
Vers une plateforme 100% vidéo face à Snapchat et Instagram
A la recherche de nouveaux relais de croissance, Facebook mise sur la vidéo. La firme américaine estime en effet que l’écrit va disparaître de sa plateforme dans les cinq ans à venir. «Facebook sera définitivement mobile et probablement entièrement vidéo»,
avait déclaré Nicola Mendelsohn, en charge des opérations du réseau
social pour la région Europe, Moyen-Orient et Afrique, en juin dernier.
Ce virage s’est notamment traduit par le lancement de Facebook Live.
En basculant vers la vidéo, Facebook veut s’armer pour affronter la concurrence de Snapchat. La messagerie éphémère, qui doit entrer en Bourse en 2017,
revendique plus de 10 milliards de vidéos visionnées chaque jour sur
l’application mobile. De plus, la firme de Menlo Park doit également
faire face à Instagram. Le réseau social de photos a lancé «Stories»,
un outil communautaire fortement inspiré de Snapchat, en août dernier.
En deux mois, Instagram est revenu à hauteur de Snapchat en revendiquant
plus de 100 millions d’utilisateurs début octobre.
Lire aussi :Facebook prédit la fin de l’écrit au profit de la vidéo
Maxence Fabrion Journaliste chez Adsvark Media / FrenchWeb - We Love Entrepreneurs
Foncia, le promoteur immobilier, a annoncé l'acquisition de Somhome,
une plateforme mettant en relation propriétaires et locataires à
l'aide d'un système de «matching». Le groupe immobilier spécialisé dans
la gestion de copropriétés, gestion locative et location de biens,
entend poursuivre la transformation de ses services et répondre aux
nouveaux usages. Le montant de la transaction n'a pas été communiqué.
Depuis trois ans, Somhome
développe un service de matching gratuit «sans honoraires ni commission
ou frais d'agence». Il affiche aujourd'hui 250 000 membres sur son
réseau social. Son algorithme de matching, entre les attentes, les
profils et les besoins, doit faciliter les relations entre les
locataires et les propriétaires de biens. Basé sur un modèle freemium,
la start-up parisienne se rémunère sur le juridique ou des services
complémentaires pour le déménagement et l'emménagement.
Sur le marché de la location immobilière, Foncia revendique une
position de leader avec 11% de parts de marché. Il est toutefois
challengé par les autres acteurs historiques, tels Nexity, qui compte aussi générer de nouveaux revenus sur le digital grâce à de nouveaux services.
Foncia n'en est pas à son premier rachat de start-up. En 2014,
il mettait la main sur EffiCity, éditrice d'un outil d’estimation
immobilière en ligne. Le groupe créé en 1972 et dirigé par François Davy
annonçait alors un investissement de 10 millions d'euros pour
digitaliser ses services.
Foncia a présenté un chiffre d'affaires de 700 millions d'euros en
2015. Il emploie 8 000 salairés et est présent au travers de 500 agences
physiques.
La restructuration de
l'entreprise, de la marque et de l'individu mène à des rapprochements
encore jamais expérimentés. Toutes les arcanes d'une entreprise sont à
repenser. Et au cœur de cette réflexion : la marque...
La transformation digitale s’est progressivement muée en transformation « tout court »
paraît-il... Non pas qu’elle n’ait plus rien à voir avec la
technologie, bien au contraire, mais l’impact du digital s’est avéré
déterminant dans notre façon de repenser l’ensemble des interactions
entre l’entreprise et ses parties prenantes. Et cela au-delà de ses
choix technologiques. La transformation touche aujourd’hui tous les
secteurs de l’économie et la plupart des entreprises se sont lancées
dans la transformation de leur organisation, de leurs canaux de
distribution, de communication, de leur modèle. Elle constitue la voie
nécessaire pour soutenir la croissance et trouver de nouveaux gisements
de développement.
Bien qu’historiquement réduite en France
à une seule dimension graphique (le logo) par les agences de publicité,
la marque a néanmoins toujours été un outil reconnu au service des
mutations profondes que pouvaient vivre les entreprises. Et cela avant
même l’avènement du phénomène de la transformation… Les processus de
fusions-acquisitions qui induisent le rapprochement entre deux
entreprises ont toujours donné lieu à des démarches organisées et
réfléchies de transformation pilotée « depuis » la marque. Des
démarches qui nécessitent aussi bien de repenser l’organisation, les
canaux de distribution, la communication que… l’identité de la nouvelle
entité.
La marque est une matrice
Aujourd’hui, le digital est à l’origine d’un phénomène semblable de « rapprochement ».
Mais la nature de ce rapprochement est sans doute plus durable et
profond car il concerne le rapprochement de l’entreprise et de ses
publics (salariés, clients, partenaires, parties prenantes). Et ce
rapprochement impacte directement le rôle de la marque en tant
qu’interface entre l’entreprise et ses publics. Le digital a changé les
rapports entre la marque et ses publics. Les publics de la marque en
sont en quelque sorte devenus « copropriétaires ». Par leur
influence, leurs comportements digitaux, les publics d’une marque la
façonnent comme jamais ils n’avaient eu le pouvoir de le faire
auparavant.
Ce statut de « copropriété » de
la marque induit par le digital, en fait plus que jamais la plateforme
centrale de la transformation. Si elle définit toujours le sens et la
raison d’être de l’entreprise, la marque doit définir également le sens
et le process de la transformation de l’entreprise. On est en effet bien
loin de la marque réduite à son statut de logo et de charte graphique !
Avec le digital, la marque est devenue la matrice d’une vision
nécessairement participative de l’entreprise en mouvement. Pour
l’entreprise, ne pas activer volontairement la transformation de la
marque, c’est bien sûr prendre le risque d’un décalage entre l’évolution
de l’entreprise transformée et celle de sa marque. C’est aussi prendre
le risque que la marque ne subisse une transformation sans que
l’entreprise n’y soit associée en tant que partie prenante.
En plaçant la marque au cœur du process
de transformation, on en définit à la fois le meilleur poste de pilotage
des différents chantiers de transformation, mais on garantit aussi sa
nécessaire transformation. Car c’est bien en transformant la marque afin
de procéder à sa « mise à jour digitale » que l’on peut se donner le
moyen de mener à bien une transformation partagée et cohérente de
l’entreprise.
Luc Ferry nous
propose de “Penser Le XXIème siècle” en philosophe et égratigne au
passage quelques idéologies portées par les gourous de l’ère
numérique. Interview.
Vous présentez la
révolution numérique comme étant la troisième révolution industrielle.
Qu’a-t-elle de commun avec les précédentes, et quelles sont ses
particularités ?
Luc Ferry : Pour
qu’on puisse vraiment parler de révolution industrielle, il faut que
trois éléments soient réunis : d’abord une ou plusieurs sources
d’énergies nouvelles ; ensuite des modes de communication inédits,
rendus possibles par elle, tant sur le plan intellectuel (communication
des idées) que sur le plan physique et matériel (transport des personnes
et des marchandises) ; enfin, une organisation de l’économie et de la
production qui découle directement des deux innovations précédentes, les
trois éléments étant inséparables les uns des autres.
A partir de là, on peut proposer une périodisation de l’histoire des révolutions industrielles qui tient la route.
La première révolution industrielle est celle des années 1780,
directement issue de l’invention de la machine à vapeur (par Watt, en
1769). Couplée avec la machine à imprimer, c’est l’apparition des
rotatives et des imprimantes à rouleau qui vont permettre de produire
journaux, livres et affiches de manière industrielle. Cette invention
pourrait sembler presque banale, mais sans elle, il n’y aurait jamais eu
ni démocratie ni instruction publique ! C’est aussi l’apparition du
chemin de fer : l’urbanisation gagne du terrain sur la ruralité, avec la
naissance des usines modernes qui entraînent un « déversement » continu
du monde paysan vers l’industrie et les grandes villes. C’est tout simplement à la naissance du monde ouvrier qu’on assiste
au sein d’usines qui sont par avance le contraire absolu de l’économie
collaborative puisqu’elles sont centralisées et hiérarchisées autour du
commandement vertical par un super patron.
La deuxième révolution industrielle apparaît un siècle plus tard, dans les années 1880,
grâce à deux sources d’énergie révolutionnaires : l’électricité
(l’ampoule à incandescence d’Edison, inventée en l879), puis le moteur à
explosion. Elle s’accompagne, elle aussi, de nouvelles formes de
communication, idéelles avec le téléphone, le télégramme, puis,
bientôt, la radio et la télévision, mais aussi physiques, avec la
voiture, le camion, le train électrique et les avions qui révolutionnent
la logistique et les transports tandis que les firmes deviennent
multinationales : sans téléphone et sans avions, pas de multinationales possibles !
La troisième révolution
industrielle est différente des deux autres car elle ne repose pas
d’abord sur une énergie un peu spéciale, l’intelligence.
C’est une révolution moins dans le monde des atomes que dans celui des
bits. Elle repose en effet sur une idée géniale, celle du Web inventé
par Tim Berners-Lee et Robert Cailliau en 1990. Le web n’est pas le net,
c’est une application du net qui relie désormais tout le monde avec
tout le monde dans un langage commun dans n’importe quel point du globe,
à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. C’est le Web qui va
rendre possible une organisation de la vie économique en réseaux
« collaboratifs », avec des applications comme Uber, Airbnb, Blablacar
et quelques milliers d’autres qui court-circuitent les professionnels
et relient les particuliers entre eux.
Là encore, on va trouver deux types de
communications différents, communication des idées avec Google, Facebook
et les réseaux sociaux, et communication des choses avec l’internet des
objets connectés. C’est seulement dans un deuxième temps qu’on va
tenter d’organiser les nouvelles énergies sur le modèle du Web, de la
toile d’araignée : l’éolien, le photovoltaïque, la géothermie, la pile à
hydrogène et, bientôt, les hydrates de méthane s’organiseront bientôt
en réseaux intelligents de production, de stockage et de partage (les
« Smart grids »).
Troisième niveau de cette révolution : les entreprises traditionnelles voient apparaître à côté d’elles des concurrents d’un type nouveau,
des applications Peer to Peer, qui non seulement relient les
particuliers entre eux mais qui sont en outre dotées d’un management
plus latéral que vertical. On peut certes affiner et compléter cette
présentation, mais parler de « quatrième révolution industrielle »
relève du confusionnisme le plus total. Il n’y a en réalité que
trois révolutions, qui se suivent à un siècle d’intervalle, chacune
divisée en deux grandes phases, l’une d’innovations
« schumpétériennes », l’autre de retombées de ces innovations en
termes de consommation « keynésienne ».
Et si cette lecture est juste, loin de
détruire l’emploi et la croissance, la troisième révolution ouvrira une
longue phase de prospérité. Pourvu du moins qu’au lieu de laisser son
monopole aux Etats-Unis, nous sachions nous y adapter !
Jeremy Rifkin prétend que l’ère numérique annonce la mort du capitalisme – thèse que vous réfutez. Quels sont vos arguments ?
Luc
Ferry : Jeremy Rifkin annonce que l’économie collaborative, c’est la
fin du profit, la fin du capitalisme, l’âge de l’accès préféré à la
propriété, donc la fin de la propriété privée. Dans son dernier best-seller, La nouvelle société du coût marginal zéro,
il joue les gourous en prophétisant que le communautarisme remplacera
l’individualisme, l’usage la propriété privée, les services,
remplaceront les biens, la gratuité le mercantile, la coopération la
concurrence, le partage la possession, j’en passe et des plus bisounours
encore. Toutes ces prédictions s’appuient sur l’idée que la
digitalisation du monde conduira infailliblement vers le coût marginal
zéro et, avec lui, vers la fin du profit, les investissements initiaux
étant moins grands dans la troisième révolution industrielle que dans
les deux premières.
Ce qui se passe dans la réalité est exactement le contraire à tous égards de ce qu’annonce Rifkin.
La vérité c’est que nous entrons
dans un supercapitalisme ultra-schumpétérien, qui a sans doute ses
mérites, mais qui va bouleverser le monde ancien comme jamais.
D’abord, c’est la marchandisation
d’actifs privés, de bien personnels : on met sur le marché son
appartement, sa voiture, ses outils, son savoir-faire, etc. C’est donc
une concurrence d’un type nouveau car conduite par des non
professionnels. Le modèle de l’économie collaborative à l’état
chimiquement pur c’est Airbnb ou Uber pop qui sont totalement peer to
peer, sans intermédiaires autres qu’une application qui repose sur
l’intelligence artificielle, le big data et l’internet des objets.
Ensuite, contrairement à ce que dit
Rifkin, c’est l’archétype du faux gratuit, la prétendue fin du
capitalisme étant une pure blague. Pour l’utilisateur naïf de Google ou
de Facebook, tout paraît gratuit. De là à prétendre que nous allons
bientôt vivre la fin du capitalisme, supplanté d’ici quelques années par
des réseaux collaboratifs tout gentils, il y a un abîme.
En effet, s’ils ne vous font rien payer
quand vous utilisez leurs services, c’est parce qu’ils collectent, grâce
à vos navigations diverses, une infinité d’informations sur vous qui se
revendent à des prix faramineux aux entreprises qui en tirent des
enseignements précieux pour cibler leurs clients. Comme l’a dit Tim
Cook : « si c’est gratuit c’est que c’est vous le produit ! ».
On a en vérité affaire à ce que
Jean Tirole, notre prix Nobel, appelle des « marchés biface », un côté
gratuit pour le particulier, l’autre payant pour les entreprises.
La quasi-totalité des données personnelles sont aujourd’hui ouvertes
aux grandes sociétés informatiques, à commencer par les GAFA, mais aussi
à des boites privées qui s’approprient le big data pour en tirer toutes
sortes d’enseignements pour en faire commerce. Enfin, loin de marquer
la fin du capitalisme, les entreprises de l’économie collaborative
dégagent des profits colossaux : Airbnb vaut aujourd’hui presque trois
fois plus que le groupe AccorHotels alors qu’ils n’ont pas un mur, pas
une chambre, pas une salle de bain. L’économie collaborative, c’est la
dérégulation tous azimuts : à juste titre, les hôteliers font valoir
que, eux, ils ont des charges sociales, des normes handicaps, des normes
incendie, que les particuliers n’ont pas à respecter ce qui fait que la
concurrence est déloyale. C’est du dumping social : vous allez chez Mac
Do, vous tapez maintenant vous-mêmes votre menu sur un écran tactile :
l’entreprise ne paie plus de charges sociales sur le travail que vous
faites.
Bref, ce que raconte Rifkin est comique…
Selon vous, l’économie
collaborative draine un certain nombre de représentations : les jeunes
générations seraient moins sensibles à la propriété, auraient une
appétence plus forte pour le partage, l’échange, l’intelligence
collective... Vous n’y croyez pas ?
Luc Ferry : C’est là encore, une pure blague, une véritable imposture intellectuelle. Le sens de la propriété s’est déplacé, il n’a pas disparu pour autant.
Que dans les grandes agglomérations où posséder une voiture est devenu
un supplice, on préfère Vélib ou Autolib est simple affaire de bon sens.
Cela ne prouve en rien que la propriété privée ait disparu. Essayez
donc de piquer son Smartphone à une de mes filles, vous m’en direz des
nouvelles… Du reste, pour mettre son appartement sur AirBnB ou sa
voiture sur Uber, il vaut mieux être propriétaire. Quant aux patrons des
startups, je doute qu’ils soient aussi enclins au partage et à la
gratuité que le prétend Rifkin. Tout cela est grotesque, de l’idéologie à
l’état chimiquement pur…
Beaucoup craignent que
les nouvelles technologies – l’IA, la robotique… - détruisent les
emplois. D’autres annoncent la fin du travail ? Comment vous situez vous
par rapport à ces débats ?
Luc Ferry : Ce
n’est pas la fin du travail qui nous menace, car jusqu’à présent
l’innovation a toujours créé plus emplois qu’elle n’en détruit. Le vrai
problème, c’est plutôt celui des déversements massifs d’un secteur
vers d’autres. Tout cela est bien connu depuis la révolte des luddites de 1811 ou des canuts de 1831 :
les ouvriers tisserands se révoltent contre les nouvelles machines à
tisser qui leurs volent leurs emplois ! Ils les sabotent, les détruisent
les jettent dans le Rhône à Lyon, et la police réprime leurs
manifestations dans le sang (de là le plat qu’on trouve dans tous les
restaurant lyonnais et qui s’appelle la « cervelle de canut »).
Bien entendu, c’est juste, sauf que les
emplois perdus pour les canuts sont remplacés par d’autres, bien plus
nombreux encore. Même chose avec Amazon et les libraires : il y a 3 000
librairies en France, combien en restera-t-il dans 20 ans ? Idem pour
les agences de voyage et beaucoup d’autres métiers.
Est-ce pour autant la fin du travail ?
Sûrement pas ! Amazon crée des emplois, comme Uber ou RBNB, simplement,
ce ne sont pas les mêmes : comme disait Schumpeter, ce sont rarement
les fabricants de bougies qui deviennent des fabricants d’ampoules.
Le vrai problème, ce n’est pas la fin du travail, mais c’est la transition entre les emplois détruits et les emplois créés, c’est donc à la fois un problème de protection sociale des personnes et de formation professionnelle.
Vous soulignez l’urgence de réguler cette nouvelle économie. Quels enjeux vous paraissent majeurs ?
Luc Ferry : Ce sont les innovations technologiques qui tirent la croissance,
ce sont elles qui nous tentent par des produits nouveaux, mais qui, au
passage, détruisent aussi des emplois « dépassés », le pari étant que
ces derniers seront remplacés par d’autres, créés justement par les
innovations. Pour ceux qui sont attachés au monde ancien, comme c’est le
cas des taxis aujourd’hui, la logique de l’innovation et de la
concurrence apparaît inévitablement comme insupportable. De là les
révoltes qui ont toujours accompagné le progrès technique. Ceux qui,
dans le processus de destruction créatrice, sont happés par le moment de
la destruction ne peuvent donc pas être rassurés par l’évocation du
second moment, celui de la création, puisqu’il ne leur est que très
rarement destiné.
Sans doute faut-il, d’un point de vue social, trouver des compensations.
Reste qu’interdire Uber serait absurde
du point de vue des chauffeurs comme des utilisateurs. Tous seraient
gravement pénalisés par la disparition d’un service bien supérieur à
celui qu’offre une corporation qui, protégée durant des années par une
absence totale de concurrence, n’a su ni s’améliorer ni s’adapter.
Les débats politiques autour de ces questions vous semblent-t-ils à la hauteur ?
Luc Ferry : Non,
la plupart des politiques ignorent tout de ces sujets hors quelques
exceptions qui se comptent sur les doigts de la main. Même chose, hélas,
dans le monde intellectuel qui continue allègrement de vivre dans la
nostalgie de la troisième république, des blouses grises et des plumes
sergent major…
L’Europe semble mise au coin : c’est l’Amérique et plus singulièrement les « Gafa » qui donnent le ton….
Les Européens, en général, sont debout
sur les freins. Un jour le patron de Google m’a fait cette remarque :
« Chez nous, m’a-t-il dit, devant la révolution numérique, on pense
aussitôt en termes de services rendus aux consommateurs, chez vous, en
terme de protection du citoyen ». Bien vu, en effet, et ces quatre mots
ont du sens. Les Etats-Unis sont dans une voiture sans frein, nous sans accélérateur. Tout le but de mon CD est de tenter d’inviter à la réconciliation des deux…
A découvrir : “Penser Le XXIème siècle – La Troisième Révolution Industrielle : économie collaborative, transhumanisme et uberisation du monde“. Par Luc Ferry. 4 CD édités chez FREMEAUX & ASSOCIES. A commander ici.