La tendance est solidement enracinée depuis la crise financière de 2008 : les grandes entreprises se tournent de moins en moins vers leurs banques pour se financer. Une récente étude montre, chiffres à l'appui, la brutalité de ce mouvement. Selon le cabinet bfinance, c'est un tiers de la dette bancaire des 120 plus grandes sociétés françaises cotées (SBF 120) qui s'est volatilisé entre 2011 et la fin 2014. Sur cette période, le montant des encours de dette bancaire tirés (c'est-à-dire effectivement utilisés sur une ligne de financement mise à leur disposition) est ainsi passé de 137 milliards d'euros à 96 milliards d'euros. Ainsi, les financements bancaires (au sein de crédits syndiqués) ne représentent plus que 18 % de la dette du SBF 120, contre 25 % il y a quatre ans.

Alignement de planètes

L'évolution est encore plus forte chez les entreprises du CAC 40, qui ont massivement accès aux marchés obligataires : pour les mastodontes de la cote, la part des crédits bancaires dans l'endettement total s'est ainsi contractée de 21 % en 2011 à 14 % à peine fin 2014.
Plusieurs planètes se sont alignées pour que les grands « corporates » fassent la part belle aux financements de marché : les grandes entreprises ont compris qu'en cas d'arrêt cardiaque du système bancaire, il valait mieux diversifier au maximum ses sources de financement. Il faut dire qu'à la faveur des politiques monétaires très accommodantes des banques centrales - destinées à soutenir l'activité économique -, l'environnement de taux s'est effondré, permettant aux grandes entreprises d'emprunter à bon compte à des investisseurs en quête d'un minimum de rendement et de sécurité. Par ailleurs, les grandes entreprises ont aussi profité de la baisse des taux pour renégocier leurs crédits non tirés et bien souvent les recalibrer à la baisse.
Les banques ne se contentent bien sûr pas de laisser passer le train et elles accompagnent ce mouvement dit de « désintermédiation ». D'autant qu'elles y sont poussées par des raisons réglementaires : depuis la crise financière, elles doivent en effet immobiliser davantage de fonds propres face aux crédits qu'elles accordent. Côté prêts, elles concentrent donc leurs efforts sur les emprunteurs qui consomment d'autres services qu'elles proposent à ces très grands clients. Par ailleurs, elles développent d'autres formes de financement - qui ne soient pas du crédit pur et dur - moins consommatrices en fonds propres. Les grands établissements bancaires ont ainsi développé ou renforcé leur savoir-faire, allant des « placements privés », c'est-à-dire l'organisation d'émissions obligataires d'une grande PME destinée à un ou plusieurs investisseurs privés, à l'affacturage qui permet à l'entreprise de céder à la banque ses factures en attente de paiement en échange d'un financement.