Vous ne connaissez sûrement pas son nom,
pourtant il est le cerveau créatif derrière le jeu vidéo le plus
populaire de la planète sur nos smartphones et tablettes, Candy Crush. Au début de l’année 2015, Tommy Palm a decidé de quitter King Digital Entertainment pour créer sa propre start-up, le studio Resolution Games, soutenu financièrement depuis le 26 août 2015 par Google Ventures.
Lancé le 24 mars dernier, le nouveau jeu du gourou suédois,
Bait !, disponible sur l’
Oculus VR Store avec
Samsung Gear VR,
est une réussite commerciale pas vraiment surprenante: 150 000
téléchargements dans 160 pays en cinq jours seulement. Derrière le
carton de la nouvelle technologie tendance dans le jeu vidéo se cache
une révolution plus globale. Elle va concerner beaucoup d’industries,
dont la pub, comme l’explique
INfluencia depuis plusieurs mois, campagnes et études à la clef. Le mois dernier lors de la
Game Developers Conference de San Francisco, nous en avons pu en parler avec
Tommy Palm en personne.
INfluencia : dans le cas de la
réalité virtuelle le jeu vidéo est un pionnier technologique, comme il
l’a déjà été dans le passé avec la 3D. Avez-vous l’impression que
beaucoup d’industries surveillent de près la révolution de la réalité
virtuelle dans le gaming ?
Tommy Palm : les jeux
vidéo peuvent, en effet, être un outil de développement technologique
très puissant et très utile pour des secteurs comme l’éducation, la
science, les médias ou même la santé. Même si notre appropriation de la
réalité virtuelle en est encore à ses débuts, quelques industries -celle
de la santé en particulier- ont déjà commencé à scruter ce qui s’y
passe. Pour moi le premier bénéficiaire de la réalité virtuelle
développée par le jeu vidéo sera l’éducation mais même la sidérurgie
sera capable d’en tirer profit en apprenant, par exemple, à souder du
métal de manière moins dangereuse.
INfluencia : pensez-vous que les
autres industries vont-elles attendre que la réalité virtuelle soit
adoptée par la masse avant de vraiment s’y intéresser ?
TP : cela dépend ! Dans
le BtoB, l’investissement dans un casque de réalité virtuelle
représente un coût tellement minime pour la qualité de l’apprentissage
que la pénétration de la technologie sera plus rapide qu’en BtoC. Mais
si la cible est directement le consommateur, là il faudra attendre que
celui-ci ait déjà son casque. Et c’est là que le gaming a son
importance, pour démocratiser les casques.
Les jeux en RV et leur connexion sociale
sont-ils justement la clé pour une adoption plus rapide par la masse ?
C’est certain ! Je suis super enthousiasmé par l’aspect social de la
réalité virtuelle. Je m’explique. La réalité virtuelle est a priori
synonyme d’isolement. On le voit avec le testing de notre nouveau jeu de
pêche, Bait ! : quand on enlève l’option socialisante on est très vite
isolé et notre audience féminine réagit négativement à cela. Mais dès
qu’on ajoute un aspect social au jeu, la possibilité de se téléporter et
d’être à nouveau entouré d’autres personnes -même si c’est virtuel-
rend l’expérience bien plus agréable. La réalité virtuelle permet aux
joueurs d’être vraiment en immersion dans le jeu, cet engagement
représente une chance énorme pour nous les développeurs.
IN : comment utilisez-vous la data dans la conception et l’évolution de Bait! ?
TP : elle nous permet
de connaitre la moyenne des sessions, à quels moments de la journée les
gens jouent le plus… Il y a encore très peu de data accessible pour le
moment mais ce sera intéressant de voir comment cela évolue. Surtout que
la réalité virtuelle sera jouée de façon très différente sur mobile ou
sur les autres supports. On espère avoir de nombreux joueurs et acquérir
au fur et à mesure de la data sur la façon dont les joueurs
interagissent avec le jeu. Ce jeu sera, je l’espère, un des premiers
grands classiques de la réalité virtuelle car il n’y a pas pour
l’instant beaucoup de jeux qui proposent une histoire, seulement une
petite dizaine. La réalité virtuelle sera un très gros marché pour le
jeu et Resolution Games veut devenir un expert de ce domaine.
IN : êtes-vous surpris par la rapidité de l’évolution du marché ces deux dernières années ou était-ce prévisible ?
TP : un peu des deux.
J’ai connu ma première expérience de réalité virtuelle en 1993 avec un
jeu d’arcade. J’avais déjà, alors, commencé à travailler sur quelques
jeux pour le plaisir et quand j’ai essayé je me suis dit : « wow, ça
c’est le futur ». Pourtant ça a mis plus de 20 ans pour que cela se
mette vraiment en place. En novembre 2014, je me suis dit qu’on y était
vraiment et que la réalité virtuelle était prête pour le consommateur.
En tant que développeur de jeux cela fait 17 ans que je travaille avec
les téléphones portables. Je suis donc persuadé que maintenant que les
fournisseurs commencent à intégrer la technologie, les choses vont aller
très, très vite. Chaque année, on va être ébahi de ce qui va devenir
possible.