La conversation est le meilleur
moyen de résoudre les problèmes. La méthode « Conversations Cruciales »,
développée par la société VitalSmarts, aide à y parvenir le plus
efficacement possible. Explication des étapes à suivre par les
co-associées d'Axel Performance, cabinet international de conseil et de
formation.
INfluencia : « Conversations
Cruciales » est une méthode pour aller au dialogue, mettre les choses
sur la table, se parler de façon franche et ouverte pour résoudre un
problème. Sur quels éléments repose-t-elle ?
Cathia Birac : la
méthode a été développée par les fondateurs de la société VitalSmarts à
partir de trente années de recherches académiques en sciences sociales
et de leurs propres parcours de chercheurs. Elle permet de cristalliser
dans une boîte à outils le meilleur de la programmation
neurolinguistique, de la communication non violente et de l'analyse
transactionnelle, par exemple, et ce afin de les rendre accessibles au
plus grand nombre de personnes.
Au départ, il s'agissait de déterminer
ce qui différencie des autres les personnes qui réussissent le mieux
dans une entreprise, les hauts potentiels. En les suivant sur une
période assez longue, VitalSmarts s'est rendu compte qu'ils n'avaient
pas de compétences spécifiques mais qu'ils se différencient dans les
moments cruciaux : lorsqu'une décision doit être prise ou lorsque les
émotions apparaissent dans la conversation. Les hauts potentiels ont
alors cette capacité à retourner une situation et à rester dans le
dialogue pour arriver à trouver une solution, en évitant le débat, et en
gardant à l'esprit ce qui est vraiment important pour eux.
Développée en 2004, la méthode est
aujourd'hui diffusée dans le monde entier, notamment au travers d'un
livre, « Conversations cruciales », vendu à plus de deux millions
d'exemplaires et classé par The Financial Times dans le top 10 des
meilleurs ouvrages business les plus lus dans le monde.
IN : comment expliquez-vous ce succès ?
CB : par la simplicité
de la boîte à outils. Elle permet à tous de pouvoir très rapidement
s'approprier les outils et d'améliorer ainsi toutes leurs conversations,
des plus quotidiennes aux plus importantes, de la vie personnelle comme
professionnelle.
Prenons l'exemple de la sécurité au
travail : lorsque que quelqu'un dans une équipe ne respecte pas une
consigne de sécurité, il est important de pouvoir aborder ce point avec
lui, pour le mettre face à ses responsabilités et lui faire comprendre
les risques qu'il prend. Avec les « Conversations cruciales », tout un
chacun est en mesure de mener ce genre de conversations sans que l'autre
ne le prenne mal ou dise finalement : « Occupe-toi de ce qui te
regarde ! ». Cela favorise la réduction des risques d'accident et la
création d'une culture où tous se sentent responsables des agissements
des uns et des autres.
Second exemple : dans le monde
hospitalier, il a été prouvé qu'un certain nombre d'erreurs médicales
pourraient être évitées si l'ensemble du personnel hospitalier se
sentait prêt à remettre en cause une décision de médecin. VitalSmarts
est intervenu dans un hôpital, il y a quelques années, car une personne
admise pour une opération des amygdales s'était faite amputer du pied
droit. Le constat tiré par VitalSmarts ? Le jour de la tragédie, cinq
personnes au moins savaient que quelque chose n'était pas normal mais
personne n'a osé en parler. Remettre en cause une décision ou une
position prise, de façon non violente et en restant dans le dialogue,
peut éviter nombre d'erreurs.
Dagmar Doring : nous
avons également mené une autre intervention dans une société du CAC 40
auprès d'une équipe combinant ingénieurs et scientifiques peinant à
prendre des décisions ensemble. La méthode les aide à mieux tenir leurs
réunions : ils corrigent le manque de compréhension ou d'écoute, créant
ainsi un réel esprit de collaboration, qui leur permet de résoudre les
problèmes.
CB : dernier
exemple : un des premiers facteurs de risques psycho-sociaux dans les
entreprises est la relation entre un manager et un collaborateur, car
souvent ce dernier n'ose pas remettre en cause une décision ou
simplement se confronter à son manager. Avec notre boîte à outils,
chacun se sent habilité à le faire.
IN : rentrons dans la méthode...
CB : commençons avec
« Ecouter son Cœur » : c'est le fait, dans une conversation, de toujours
rester centré sur ce que nous voulons vraiment. Nous nous trompons
souvent d'objectifs, nous voulons discuter d'un sujet mais l'autre amène
un point dans la conversation qui nous dévie. Nous commençons à
argumenter, à défendre un point de vue alors que cela n'a pas d'intérêt
par rapport à l'objectif de départ. Donc, ce principe d'écouter son cœur
et de rester toujours concentré sur ce qui est vraiment essentiel est
le premier point sur lequel il va falloir travailler.
DD : habituellement, la
première question que je me pose se formule ainsi : « Qu'est-ce que je
veux pour moi ? Quel résultat ? ». Il faut aller plus loin : « Qu'est-ce
que je veux pour moi, pour l'autre, et pour la relation, et comment
dois-je alors me comporter ? ». L'apprentissage consiste à pousser la
réflexion jusque-là.
CB : ensuite
« Apprendre à observer » ou comment rester vigilant tout au long de
l'échange quand l'autre va commencer à ne plus être d'accord et à
argumenter, quand je vais dire quelque chose qui va peut-être le
toucher, le poussant dans une réaction émotionnelle ou quand surgit un
enjeu qui n'était pas là au départ. Ce sont les types de moments-clés
qu'il faut vraiment observer. Quand coexistent un enjeu, une émotion et
une divergence, c'est une conversation cruciale.
Ce qui nous amène à la sécurité.
Lorsqu'une conversation bascule, le premier réflexe utile est de se dire
STOP, il ne sert à rien de continuer sur ce point. Il faut s'écarter du
sujet et remettre de la sécurité, remettre l'autre en confiance avec un
certain nombre d'outils pour rester dans le dialogue, dans une
conversation avec un objectif commun et des marques de respect. C'est
seulement quand ces conditions sont à nouveau en place qu'il est
possible de revenir sur le point abordé au départ.
Maîtriser ses histoires est un autre
point clé : arriver à faire la part des choses entre ce qui s'est
vraiment passé et l'idée que je m'en suis faite. Parce qu'il est
fréquent de passer directement de l'observation d'un fait (le point de
départ) à une interprétation, une histoire et tout de suite après, à un
jugement, une conclusion.
Souvent, le jugement provoque une
émotion, qui ensuite guide notre action. Donc, arriver à maîtriser ses
histoires pour pouvoir revenir à ce qui s'est vraiment passé et accepter
la possibilité d'autres histoires ou interprétations. Rester dans le
dialogue, ne pas réagir sur le vif.
IN : comment intégrer ce réflexe ?
CB : avec de la
pratique. À chaque type de situation, il s'agit d'apprendre à associer
un réflexe, à réengager son cerveau et à revenir dans le rationnel.
DD : et de prendre une
autre perspective. Qu'est-ce que je veux vraiment pour moi et pour cette
relation ? Nous n'essayons pas de manipuler. La conversation cruciale
se fait en toute transparence des intentions de part et d'autre, dans
l'objectif de trouver un but en commun. Ce sont des principes
universels, pas une recette à suivre de A à Z. Il est important de
s'approprier l'outil en accord avec sa propre personnalité, de rester
authentique et de le mobiliser en fonction de la situation, de la
personne qui est en face. C'est pourquoi, au-delà du livre, nos
formations sont conçues dans un esprit de laboratoire, où chacun peut se
sentir en sécurité pour pouvoir pratiquer de nouveaux comportements,
changer de manière de communiquer.
« Conversations cruciales », Kerry Patterson, Joseph Grenny, Ron, McMillan, Al Switzler, Ixelles éditions.
Illustrations : Kim Roselier