Dimanche, 14 Février 2016 13:11 http://2000watts.org
Il
y a 2 ans, qui aurait pu imaginer telle débâcle? Wall Street, la Banque
Fédérale Américaine et les banques privées continuaient de déverser des
centaines de milliards de dollars dans un secteur qui promettait des
gains substantiels. Le Quantitative Easing américain et des taux
d’intérêts proche des taux zéros enflaient les égos et les rêves des
entreprises de schiste.
Cet enthousiasme aura finalement créé une bulle financière dépassant
les 200 milliards $ qui est en train d’imploser sous nos yeux. Le
schiste s’écroule tel le jeu de l’avion où les nouveaux investisseurs
couvrent les intérêts des anciens et le scénario n’est pas sans rappeler
le système Madoff.
La révolution du gaz et pétrole de schiste américain de 2009-2015 a
été conduite par des petites et moyennes entreprises qui ont financé
leurs croissances avec des emprunts à hauteur de 113 milliards $ en
actions et 241 milliards $ en obligations selon Dealogic.
Aujourd'hui, elles s'écroulent sous leurs dettes d'autant que peu
d'entreprises sont profitables au-dessous de 50$ le baril. Durant la
même période les dettes des 60 plus grandes entreprises US (sur un total
de 155) ont bondi de 100 milliards à 206 milliards $.
Le système de Ponzi: L’effet Madoff
Comme dans toutes les bulles spéculatives, beaucoup d’investisseurs
sont entrées dans ce business sans en comprendre les mécanismes. Grâce à
l’entremise des banquiers, les producteurs ont réussi à lever des
sommes astronomiques alors qu’aucun d’entre eux n’aura pu démontrer une
quelconque profitabilité.
Même en Europe, les grandes institutions financières comme BNP
Paribas, Société générale, Crédit agricole, Deutsche Bank, l'UBS ou le
Crédit Suisse se sont engouffrés dans la brèche au côté des américains
JPMorgan, Citigroup, Wells Fargo ou Bank of America.
Ces grandes institutions bancaires ont engrangé des honoraires
supérieurs à 740 millions $ pour leurs conseils avisés dans la
restructuration des dettes ou les commissions sur la vente de ces
produits à haut rendement tout en prenant le soin de se dégager
d’éventuelles pertes. Mais pour celles qui n’auront pas réussi à écouler
à temps leurs prêts pourris, le réveil est douloureux et les marchés
boursiers sanctionnent lourdement leurs imprudences.
Trop de pétrole, tue le pétrole
Paradoxalement, c’est le schiste lui-même qui s’est suicidé. En
quelques années, la production pétrolière américaine est passée de 5,1
millions barils/jour (b/j) en 2009 à 9,7 millions b/j. Cette
augmentation massive a déstabilisé les marchés qui étaient jusque-là
régulé, à bien plaire, par l’Arabie Saoudite.
Au lieu de stabiliser sa production aux besoins de l'offre,
l’industrie de schiste a du extraire à maxima afin de rembourser les
intérêts des emprunts.
Prises dans ce piège, les faillites se
succèdent et la prochaine échéance bancaire du mois d’avril s’annonce
apocalyptique, d’autant que l’Arabie Saoudite a gentiment demandé aux
grandes banques de liquider leurs actifs de schiste.
La technique de schiste n’est pas morte
Les technologies de schiste développées dans les années 80 et
perfectionnées depuis 2010, pourraient revenir sur les devants de la
scène quand les prix retourneront de manière stable au-dessus de 70-100$
le baril et à la condition que les règles environnementales et de
salubrité publique soient rangées aux oubliettes.
Mais pour l’instant, le fort repli mondial des investissements
pétroliers dicte le rythme. En 2015, les pétroliers ont investi 539
milliards de dollars soit un recul de 21,1 % par rapport à 2014 qui
était déjà en crise. Les zones les plus touchées sont l’Amérique du Nord
avec -35 % et l’Europe avec -34 %. Seul le Moyen-Orient a continué à
voir ses investissements croître de 3 %, en particulier grâce au Koweït
et à Oman.
Les dégâts sur le schiste sont de deux sortes. L’industrie a perdu
plus de 100’000 emplois et il n’est pas dit que tout ce beau monde ose
retenter l’expérience quand le cycle repartira. Ainsi, il faudra à
nouveau offrir des salaires et des formations de classe supérieure ce
qui renchérira les coûts d’extraction.
Deuxièmement, les investisseurs n’avaient pas comptabilisé le facteur
risque dans leurs investissements et cette prime se retrouvera au
sommet de la liste à l’avenir. Ainsi, les financements seront
susceptibles d’être plus rares et onéreux même si certains hedge funds
tentent le pari de racheter pour une bouchée de pain les actifs des
entreprises en faillite. Ces fonds privés ont déjà trouvé 57 milliards $
pour ce jeu de «quitte ou double».
Mais l’impact sur la grande majorité des investisseurs, qui ont perdu
beaucoup d'argent, devrait avoir un effet durable. D’autant que durant
la même période, les retours sur investissements dans les technologies
propres, cleantech, ont augmenté de 11,3%.
Graphique boursier: 1 juillet 2014 / 12 février 2016. L'un des leader américain du schiste
Chesapeak Energy Corp: 27.81$ à 3.06$ -91%
Mort et né sous le règne d'Obama
Lors de la crise de 2008, l’immobilier américain avait fait plongé
les marchés dans une profonde crise et aujourd’hui les Etats-Unis
reviennent avec des investissements tout aussi toxiques dans l’énergie.
Bien que les montants soient inférieurs, ils bousculent à nouveau
l’économie mondiale et les institutions financières européennes
décidément indomptables, incompétentes et incorrigibles.
Le schiste sera né sous Obama et pourrait s'éteindre en même temps
que son règne. Paradoxal, pour un président qui voulait protéger le
climat et l’économie.