Je
m’intéresse peu au football mais en tant que psy et professeur, je suis
passionné par la dynamique de groupe et notamment par la gestion des
groupes par les managers, dont je forme et également des psys, coachs
et autres consultants. Tout d’abord l’exploit que Zidane a réalisé est
extraordinaire. En l’espace de 18 mois, il a su gagner 5 titres majeurs
sans rentrer dans les détails, il a battu de nouveaux records. Il a
réussi ce qu’aucun autre grand entraineur n’a pu réaliser même
Mourrinho, Guardiola etc...
A son arrivée en janvier 2016, le précédent entraineur Rafael Benitez
a mis à mal son équipe, 6ème du championnat, une ambiance délétère, peu
de chance de finir dans le haut du classement. De plus le Real de
Madrid est un des plus grands clubs du monde avec toute la pression,
médiatique et sportive. Outre le fait supplémentaire que Zidane était
contesté, pas de légitimé en tant qu’entraineur. Certes ce fut un grand
joueur mais quid d’un grand entraineur. De grands joueurs ont été de
piètres entraineurs, Maradonna, Platini, Zico et bien d’autres. Le
parallèle avec l’entreprise, elle est le même, un bon commercial ou
ingénieur informatique voire d’autres experts ne font pas spécialement
de bons managers.
Comment Zidane a-t’il réussi cet exploit en 18 mois de gagner 5
trophées majeurs, de réconcilier son équipe, d’attirer de nouveaux
joueurs, de fédérer un groupe et un club autour d’un projet futur ? Avec
rappelons nous quand même une équipe de stars aux égos surdimensionnés.
Notamment Ronaldo, Ramos, Benzema, Bale et bien d’autres encore, qui
sont connus et reconnus dans le monde entier.
Tout d’abord, son style de management selon L’analyse de
Rensis Likert (1903 – 1981) permet de distinguer quatre styles: autoritaire, paternaliste, consultatif et participatif.
- Le style autoritaire : l'autorité du dirigeant
est fondée sur la crainte et le respect des ordres reçus. Le dirigeant
prend les décisions et les annonce ensuite aux membres de l'entreprise.
Il ne laisse aucune initiative à ses subordonnés, utilise les menaces et
les sanctions.
- Le style paternaliste : le dirigeant dispose
d'une autorité incontestée et entretient des relations de proximité avec
ses subordonnés. Il prend autoritairement les décisions. Il utilise un
système de récompenses et de sanctions comme moyen de motivation. Le
bien-être des salariés est pris en compte.
- Le style consultatif : le dirigeant entretient
des rapports de confiance avec ses subordonnés qui sont consultés avant
la prise de décision finale. Le dirigeant encourage le travail en équipe
et utilise les récompenses comme système de motivation.
- Le style participatif : il s'agit ici de
permettre aux salariés de participer réellement à la gestion de
l'entreprise. La prise de certaines décisions est décentralisée. La
motivation des salariés est basée sur la participation et sur
l'intéressement aux résultats. Le style participatif s'est développé à
partir des années 1960 aux États- Unis et en France à partir des années
1980.
- Zidane a adopté ce style de management. Celui-ci est basé sur plusieurs caractéristiques du manageur :
- La compétence, Zidane a été un formidable joueur à son époque
remportant tous les trophées possibles, de la Coupe du monde aux divers
championnats. Donc Zidane, lorsqu’il parle à ses joueurs de ses
expériences et donne des consignes, les joueurs les écoutent. Car il
connait parfaitement son sujet. Contrairement à Bénitez dont les joueurs
n’écoutaient plus les consignes.
- Ensuite le savoir être, il est d’un naturelle humble, il met en
avant l’équipe et privilégie la cohésion, c'est-à-dire l’intérêt du
groupe avant le sien (Certains politiques devraient s’en inspirer).
- Sa confiance en lui, en ses propres capacités tant physiques,
techniques et psychologiques, en ayant confiance, il apporte la
confiance à son équipe et sécurise les personnes qui se sentent en
insécurité. Doutant de leur propre réussite et celle du groupe, lorsque
la Juventus est revenue au score, à la mi temps, il leur a demandé de
jouer et de se faire plaisir plutôt qu’élaborer une stratégie et
tactique ennuyeuse. Il leur a fait confiance. Ce que bon nombre de
managers et d’entreprises voire d’administrations ne font pas, elles
s’infantilisent leurs salariés par un contrôle et reporting, usant et
démotivant.
- Ce que les joueurs ont fait (ce que les salariés devraient faire
dans leur travail), prendre du plaisir à jouer ensemble. Par cet
enthousiasme, leur envie, leur volonté d’être ensemble, de relever un
challenge, ils ont réussi à gagner cette finale. Zidane leur a transmis
cette confiance pour atteindre l’objectif. Ce que disait un autre grand
manager Steve Job, “Cela ne fait aucun sens d’embaucher des gens
intelligents puis de leur dire ce qu’ils doivent faire. Nous enrôlons
des gens intelligents afin qu’ils nous disent ce que nous devons faire“.
-
- A la fin du match, Zidane est allé voir tous ses joueurs
individuellement et leur a glissé un petit mot à chacun. Le vrai leader
sait féliciter les personnes, les encourager, être bienveillant avec
chacun et de fixer les objectifs.
- Ce qu’un mauvais manager insuffle dans son équipe :
- Le manque de confiance
L’équipe peut manquer de confiance dans les personnes, en tant que
personnes mais aussi dans la capacité de l’équipe à atteindre ses
résultats. Les conséquences sont l’inhibition ou l’écrasement de la
réactivité et de l’initiative.
- L’insuffisance d’élaboration
C’est souvent le résultat d’un fonctionnement trop pyramidal. Le
débat manque. Le débat est quelque chose d’essentiel pour unifier, pour
décider de collaborer, pour préparer les actions. Dans les débats, on se
bat pour ses valeurs. L’absence de débat appauvrit l’équipe.
S’engager dans une équipe, s’est prendre un risque : celui d’être
mesuré, comparé et donc d’être affecté. Pour éviter cela, il faut que le
climat soit bon, par exemple… et la conformité pas trop forte. S’il y a
une trop grande pression de conformité, que les personnes n’osent pas
avoir un avis différent du groupe, on obtient un consensus, mais un
engagement faible et une équipe qui n’a pas la gagne.
- L’excès d’exercice du pouvoir (Beaucoup de petits chefaillons)
Un dirigeant possède un grand pouvoir. Il a quasiment le droit de
vie et de mort sur ses collaborateurs ! Il tire ce pouvoir de 3 sources
principales : Un pouvoir hiérarchique, l’expérience et performance. Pour
peu qu’il ne maîtrise pas ce pouvoir, le chef peut écraser les niveaux
de mobilisation et d’initiative de l’équipe. Un trop grand exercice du
pouvoir passive les équipes.
Tout le monde a peur du conflit. Dans un conflit, l’individu est
sous stress et personne n’aime ça. Or une entreprise met les personnes
sous tension et les conflits sont inévitables. Il faut manager cela.
Faute de quoi l’équipe va stagner dans un consensus « mou » et ne pourra
pas monter dans les niveaux de maturité.
Dans une équipe de football soumise au mercato (Marché des
transferts en janvier et au mois de juin), toute comme l’entreprise,
celles-ci doivent s’adapter en permanence à des changements. Les équipes
confrontées à un changement traversaient systématiquement une période
de turbulence plus ou moins forte et plus ou moins longue avant que ce
changement ne soit effectif. Un leader en prise de fonction veillera à
accélérer ce passage.
En comparant les différentes approches mises en place par des
équipes, Amy Edmonson et ses collègues ont remarqué que contrairement à
leurs pronostics ce n’était :
- ni le degré de support du top management,
- ni la réputation du dirigeant l’équipe,
- ni la qualité des débriefings
Qui accéléraient la courbe d’apprentissage mais plutôt la capacité
des équipes à s’engager dans un apprentissage en temps réel, à analyser
et ajuster les actes durant les projets eux-mêmes. Comme Zidane l’a fait
constamment au cours de la saison en gérant les blessures de ces
joueurs et en s’adaptant. Dans un contexte d’entreprise, ces conclusions
peuvent inspirées les leaders d’équipes.
1 Constituer une équipe solide
2 Présenter le défi de manière adéquate
3 Favoriser l’expérimentation en temps réel
4 Féliciter
Démarrer avec une équipe solide est un gage de réussite. S’entourer
de personnes compétentes, motivées et partageant les mêmes valeurs est
une des principales responsabilités de tout dirigeant. Ces valeurs
étaient les suivantes :
- capacité à travailler avec autrui,
- volonté de gérer des situations nouvelles et ambiguës,
- capacité à confronter de manière constructive leurs supérieurs hiérarchiques (en proposant de nouvelles idées ou suggestions).
-
Un autre aspect mis en lumière par les chercheurs de Harvard est la
nécessité de garder les mêmes personnes dans l’équipe au fil du temps
afin de leur permettre d’apprendre à mieux fonctionner ensemble. Zidane
avait déjà une très bonne équipe qui jouait ensemble depuis plusieurs
saisons, donc stabiliser les équipes, ce que l’Education Nationale et de
nombreuses entreprises n’ont jamais réussi à faire, avec un turn over
impressionnant.
Le droit à l’erreur et à l’échec en phase d’apprentissage, en France
peu d’entreprise donne ce droit contrairement à d’autres cultures,
notamment anglo-saxonnes ou les pays du Nord. Les équipes, encore plus
que les individus, apprennent par essais/ajustements. Etant donné le
nombre important d’interactions entre ses membres, il est très difficile
pour les équipes de réaliser des tâches de façon satisfaisante dès la
première fois, et ce quelle que soit la qualité des programmes de
formation et de la préparation individuelle. Les membres des équipes
insistèrent sur l’importance d’expérimenter de nouvelles façons
d’améliorer les choses durant les projets en veillant bien sûr au bon
déroulement de celui-ci. Cette expérimentation en temps réel s’avéra
plus profitable que les débriefings post-projets car elle permettait.
L’implémentation d’intuitions qui auraient été perdues si le membre de
l’équipe avait attendu la fin du projet pour en discuter.
Ce que beaucoup de managers oublient, de remercier et féliciter
leurs équipes, après chaque grande victoire, les équipes de football
vont fêter leur victoire en famille lors d’une grande soirée puis avec
leurs supporters lors d’une grande parade. Combien de managers ou
d’entreprise le font ?
Alors Zidane, un exemple de management à suivre ?