Parce que les retours d’expérience sont toujours bons à prendre, Maddyness a décidé de republier cet article, initialement publié sur Medium, d’Antoine Guo, un jeune entrepreneur parti aux États-Unis.
Je suis parti pendant six mois aux
États-Unis. Pour apprendre l’entrepreneuriat, et pour m’imprégner de
tout ce que les États-Unis ont de mieux à nous offrir. Et on a beau
parler de French Tech et critiquer les États-Unis, il faut reconnaître
que les Américains ont encore une longueur d’avance sur nous lorsqu’il
s’agit de l’art d’entreprendre. Je n’invente rien. Mais voici, selon moi, quelles sont les plus grosses erreurs que l’on commet en France :
Ne pas parler de son idée de peur de se la faire piquer
L’un des premiers trucs que l’on m’a dit lorsqu’on est arrivé aux US :
“Personne ne la volera votre idée, vous savez pourquoi? Parce que votre idée est probablement nulle…” Coup
dur quand on entend ça… En fait il fallait savoir lire entre les
lignes : l’idée n’est pas nulle, elle n’est pas encore mature. Souvent,
on s’emballe quand on se dit qu’on a une idée. L’excitation fait qu’on
part dans tous les sens. Le mot idée est donc un peu fort. On devrait
plutôt employer le terme germe d’idée, ou intuition. Car ce germe d’idée
est voué à évoluer, à se solidifier avant d’être concrétisé. Tout le
monde croit que son idée est géniale. Mais une à deux semaines de
recherches intensives suffisent à faire redescendre sur Terre. Demandez à
n’importe quel fondateur de startup si son idée originelle a été
concrétisée. La réponse est non.
“Personne de la volera votre idée,
vous savez pourquoi ? Parce que si votre idée est vraiment géniale, vous
pouvez être sûr que quelqu’un d’autre a eu exactement la même idée, un
mois, si ce n’est un an plus tôt.” Le mythe de “l’idée du siècle”
n’existe pas. Tout le monde est créatif, tout le monde a des idées tout
le temps. La grosse différence entre ceux qui réussissent et ceux qui
ne réussissent pas, c’est que ceux qui réussissent comprennent vite que
leur idée ne vaut rien et que tout se joue lors de l’exécution (i.e. la
concrétisation de cette idée).
“Idea is 1%, execution is 99%”
D’accord, la chance qu’on nous pique notre idée est faible, mais on ne sait jamais… Pourquoi prendre le risque de la partager ? C’est
très simple, il faut réussir à se mettre dans cette logique (très
américaine) : on bénéficiera toujours plus du retour sur notre idée que
du risque de se la faire piquer. Car ce sont les remarques et critiques
qui font qu’une idée avance. Et sait-on jamais, qui vous dit que votre
interlocuteur n’est pas un expert du domaine?
“How do you recognize when an Entrepreneur is pitching ? When he opens his mouth!”
Cet esprit d’entraide manque beaucoup en
France, et c’est vraiment dommage. Chacun fait les choses dans son
coin, il y a une sorte de méfiance injustifiée et omniprésente… S’il y a
une chose que j’ai retenue de Berkeley, c’est qu’il faut parler de son
idée tout le temps. À tout le monde. Tous les acteurs du problème :
utilisateurs, clients, experts, “compétiteurs”. Surtout ses
“compétiteurs” d’ailleurs. On apprend énormément de leurs erreurs…
Parler, brainstormer, conceptualiser… et ne rien faire
Ça c’est très français. En France, on
aime beaucoup discuter, analyser, conceptualiser… C’est d’ailleurs la
raison pour laquelle les mathématiciens français sont si réputés dans le
monde. Néanmoins, pour l’entrepreneuriat, cette logique ne marche pas.
Les startups sont dictées par l’urgence. L’urgence du marché (i.e. ne
pas rater le créneau), l’urgence de la compétition (i.e. faire mieux et
plus rapidement que les autres), l’urgence de l’utilisateur (i.e. être
réactif aux attentes de l’utilisateur).
“What I look for in Entrepreneurs ? Boldness in vision and focus on execution.”
La grosse différence entre la France et
les US, c’est la vitesse. Je n’invente rien, tout est expliqué dans le
bouquin d’Eric Ries, The Lean Startup.
Pour résumer : mieux vaut aller vite pour sortir rapidement un produit,
le tester auprès de ses clients/utilisateurs, récupérer leurs avis, et
réitérer, plutôt que de passer du temps à imaginer et aller dans les
détails de la conception d’un produit dont les gens ne voudront
peut-être pas. Le temps que nous Français sortions un produit, les
Américains en seront déjà à la version 7.
Monter sa startup derrière son ordi
Pendant mon semestre à Berkeley, on nous a forcé à aller “parler à nos clients”.
On savait pas trop ce que ça voulait dire… En fait, il s’agissait juste
de sortir de son bureau, et de ne pas s’enfermer dans sa propre idée,
sa propre logique. Toujours s’ouvrir l’esprit, rencontrer des gens,
discuter. Le nombre d’opportunités qui se créent dans ce genre de
démarche est incroyable.
À Berkeley, on est allé dans la rue.
Pour valider des hypothèses, pour comprendre nos utilisateurs. On a
rencontré des chirurgiens anesthésistes experts en hypnose, on s’est
fait invité par la plus vieille communauté des motards de Californie (la
SF Motorcycle Club), on a pitché notre idée devant des investisseurs
chinois qui nous ont fait des offres astronomiques de cash. Tout ça en
allant dans la rue, en faisant aussi bien des sondages aux sorties de
métro, que des meetups divers. On nous disait souvent : “tu peux manger gratuitement chaque jour de la semaine en allant à divers meetups.” Celà n’était pas faux.
Faire un produit dont personne ne veut
Cette erreur rejoint la précédente.
L’objectif d’un entrepreneur, c’est de faire un produit/service dont son
client est amoureux. Une grosse erreur à ne pas commettre, c’est de
faire un produit dont on est le seul à être amoureux. Et on en tombe
forcément amoureux, puisque c’est nous qui le créons. L’avis est donc
forcément biaisé.
Pour le voir, il suffit de parcourir
tous ces outils et produits créés par des grosse entreprises françaises,
ou par le gouvernement. On sent la volonté d’incorporer des
fonctionnalités qui plaisent, mais très souvent, c’est raté. De A à Z.
Pour éviter cette erreur, il faut constamment aller voir l’utilisateur pour avoir son avis. Il n’y a que ça qui compte. “Créer
une petite communauté d’utilisateurs qui vont adorer votre produit vaut
mieux qu’une grosse communauté qui l’aime moyennement.” (Sam Altman—YCombinator).
Ne pas oser demander de l’aide
Enfin, la dernière grosse erreur que
commettent les Français, c’est de ne pas oser demander de l’aide. De ne
pas oser, soit pour l’égo, soit par peur de se prendre un râteau et de
se faire ridiculiser. Cette peur est paralysante, et les opportunités
peuvent vraiment nous filer sous le nez.
Une manifestation flagrante de cette
attitude à la française : la salle de classe. En France, les élèves ne
participent que rarement en cours. On a peur de poser des questions
naïves et de passer pour un idiot. Aux États-Unis, l’ambiance en salle
de classe est différente. Les élèves ont beaucoup moins peur : ils
posent des questions, ils osent. Dès leur plus jeune âge, ils sont
formés au networking. Pour nous ça nous parait très superficiel, pour
eux c’est très naturel.
Un conseil que m’a donné un entrepreneur à succès de San Francisco : “French entrepreneurs need to learn to GRIND and HUSTLE. If you can master this skill, you French will be masters of the world.”
Easier said than done…
Bien sûr, appliquer ces conseils est
difficile. C’est presque contre-nature pour nous Français. Néanmoins,
les états d’esprit changent, et on voit d’ores et déjà apparaître de
très beaux produits au label Made in France sur le marché. Pourvu que ça dure!
Retrouvez l’article d’Antoine dans son habitat naturel.
Crédit photo : Shutterstock
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