mardi 17 juillet 2018

J'ai testé les Otome games, ces jeux japonais à l'eau de rose, et je suis « tombée amoureuse » de mon boss#http://www.ladn.eu#gerardpocquet#pro

image de manga homme et femme
Capture et source: http://www.ladn.eu

J'ai testé les Otome games, ces jeux japonais à l'eau de rose, et je suis « tombée amoureuse » de mon boss http://www.ladn.eu

Jeux mobiles à l'eau de rose venus du Japon, les Otome games ravissent les plus ou moins jeunes femmes avec des histoires d'amour piquantes, sensuelles - et très franchement stéréotypées - dont elles sont les héroïnes. Lumière sur le phénomène. #http://www.ladn.eu#gerardpocquet#pro
« Sa main effleure sensuellement la courbe de mes reins, pendant que son torse ferme et puissant se colle contre ma poitrine pour m’immobiliser contre la paroi… »
Une phrase légèrement épicée que j’ai consciencieusement notée lors d’une de mes séances. J’ai joué, tous les jours et pendant deux semaines, à des Otome games, ces jeux sur smartphone conçus pour émoustiller les jeunes femmes en quête de sensualité et de romantisme suranné. Nés au Japon au début des années 1990 – Otome signifie « jeune fille » en japonais – ces jeux d’intrigues amoureuses et virtuelles font une percée progressive en Europe et viennent y populariser la tendance New romance, déjà mondialement démocratisée par le succès de la trilogie érotique 50 Shades of Grey. Avec ses 27 millions de joueuses à travers le monde, la série Is It Love? produite par la société française 1492 Studio me semblait être un point de départ intéressant pour capter le phénomène. Afin de pouvoir parler de cette nouvelle curiosité, hybridée entre telenovelas, manga et « livres dont vous êtes le héros », j’allais forcément devoir m’y coller. Alors j’ai testé.  
Gratuitement, sur mon Apple Store, j’ai téléchargé Is It Love? – Ryan. Pour m’accompagner dans cet univers parallèle, Miss Chocolate, modératrice virtuelle du jeu, insiste pour que je me choisisse un pseudo. Je serai donc Jane, Jane Marple. Je me découvre assistante marketing chez Carter Corp., une gigantesque firme new-yorkaise fondée par le riche et mystérieux Ryan Carter. Je suis jeune et belle, sors beaucoup, me fait draguer par mon collaborateur Matt et me suis liée d’amitié avec ma très délurée collègue Lisa. Bref, mon avatar nage dans le bonheur jusqu’à ce qu’une rencontre fortuite avec le beau PDG ne fasse basculer sa vie. Dès lors, tout peut arriver : sexe, amour, trahison, mariage… Les choix que j’effectue dans le jeu auront raison du fin mot de l'histoire.
« Nous créons des jeux immersifs, avec des univers qui se chevauchent et des intrigues qui s’entremêlent. C’est un divertissement, un nouveau format de livre et chacune de nos histoires représente un livre de 900 pages », m’explique Claire Zamora, cofondatrice de 1492 Studio, directrice artistique et auteure de la saga. Dans Is It Love?, il existe aussi des récits dans le récit. À la manière des spin-off au cinéma, certains personnages font l’objet de nouveaux opus. Je peux jouer une autre partie pour découvrir Is It Love? – Matt. Ici, j’en apprends un peu plus sur la vie de mon collègue et découvre, dans le même temps, l’existence de son meilleur ami Colin.

« Il y a autant de profils de femmes que d’attentes mais ce sont avant tout des rêveuses et de grandes romantiques »

« Au-delà de lui proposer de se laisser séduire par un personnage, nous cherchons surtout à susciter l’émotion de la joueuse. Nous faisons tout un travail graphique, l’utilisation d’ambiances sonores et de bruitages comme le téléphone qui vibre lorsque l’héroïne reçoit un texto dans le jeu », poursuit Claire. Et ça fonctionne plutôt bien. Certes, la mièvrerie des intrigues me fait sourire. Mais force est de constater que les cliffhangers de fin de chapitre sont plutôt bien ficelés. Lorsque j'arrête de me connecter, des textos mielleux de mes flirts virtuels tentent de me faire revenir.
« Tu me manques… On se voit ce soir ? » Tout est fake, évidemment, mais c’est un peu comme sur Tinder... on se demande toujours si la suite ne vaut pas le coup…
Régulièrement, de nouveaux « épisodes » proposent des rebondissements inattendus. Seules trois minutes de jeu gratuit me sont accordées quotidiennement. Pour grappiller quelques points d’énergie, je peux visionner une publicité ou jouer à un mini-jeu. Les plus addicts feront chauffer la carte bleue.
Chez 1492 Studio, on propose deux univers pour des joueuses plus ou moins mâtures. Si les femmes de 25-30 ans sont davantage ciblées par les scénarios de Carter Corp., les jeunes adultes de 16-25 ans ne sont pas en reste et peuvent s’adonner à des passions plus « fantastiques » via l’univers de Mystery Spell, curieuse petite ville où des vampires, créatures érotisées et magnétiques, sont censés piquer la curiosité des joueuses.
« Nos héroïnes sont plus ou moins expérimentée dans les relations amoureuses et n’abordent pas de la même façon la séduction et ce qu’elles en attendent », souligne Claire Zamora. « Il y a autant de profils de femmes que d’attentes mais ce sont avant tout des rêveuses et de grandes romantiques. Elles cherchent à s’évader, se divertir, le temps d’une pause. Certaines cherchent à vivre le grand amour auprès d’un homme qui les fait rêver, d’autres une histoire réaliste faite de hauts et de bas, d’autres encore veulent dynamiser leur désir. La plupart attendent des situations qu’elles ne rencontrent pas dans la vie réelle. »

Dois-je être A) prude ou B) aventureuse ? 

Est-ce qu’une femme raffolant de la saga « 50 Shades of Grey » a réellement envie de se retrouver attachée à un lit avec des menottes en fourrure ?
Je continue ma partie. Dès le premier chapitre, je décroche une « scène secrète ». En lisant les commentaires d’un forum Facebook où des utilisatrices s’échangent hypothèses scénaristiques et bons tuyaux, je comprends que c’est un moment décisif pour la suite de mon idylle naissante. Je m’apprête donc à aller danser avec mes deux amis, Matt et Lisa, lorsque je constate que j’ai oublié mon sac dans mon bureau. Nul besoin d’être devin, je vois poindre le retournement de situation. J’emprunte l’ascenseur de la firme. Il s’arrête à un étage, un homme entre, je ne le regarde pas mais ses effluves virils me sont grassement loués. Lorsque les portes se referment, le courant est brusquement coupé, les lumières s’éteignent. Le coup classique de la panne, on peut le dire. Là, l’inconnu devient entreprenant. Il s’approche, enroule ses mains autour de ma taille et commence à me caresser. Je suis dans un jeu vidéo, et mes choix se déclinent en deux options claires : A) Je tente de me raisonner et de lui dire de se calmer. B) Je me laisse faire. En fonction du choix effectué, la scène sera plus ou moins torride mais ne basculera, jamais ô grand jamais, dans la pornographie. Ce n’est pas le moment de balancer son porc, je suis en mission, et j’ai très envie de sonder le potentiel du jeu. Je choisis la réponse B. À ce stade, je note que les choix que le jeu me pousse à faire restent toujours fondamentalement binaires. Je peux être aventureuse, m’abandonner à la passion sans me poser de questions, ou bien être plus prude et rester sur mes gardes.

Simples fantasmes ou biais sexistes ?

Question stéréotypes genrés, nous voilà servis. Les hommes, sont des décideurs, forts et entreprenants. Les femmes sont souvent en position de soumission et doivent faire des pieds et des mains pour leur plaire. Un constat un peu décevant quand on sait que la tendance est à la féminisation des jeux vidéo. On regrette alors de ne pas pouvoir évoluer dans un monde plus réaliste. Les intrigues, elles, manquent de nuances et d’aspérités. Mais après tout, est-ce réellement là ce qu’on leur demande ?  Est-ce qu’une femme raffolant de la saga « 50 Shades of Grey » a réellement envie de se retrouver attachée à un lit avec des menottes en fourrure ? Rien n’est moins sûr.
J’en suis au chapitre 4. Il m’en reste 7, et l’histoire est loin d’être finie. Et avec trois minutes de jeu par jour, la tour d’ivoire de mon mystérieux PDG a.k.a sexy quadragénaire, me semble encore très loin. D’ailleurs, il pourrait tout à fait être l’inconnu de l’ascenseur, mais Miss Chocolate se garde encore bien de me le dire. Officiellement, j’ai pu rencontrer Ryan Carter une fois, en apportant une pile de dossiers à son bras droit Mark. Je les interromps en rentrant dans une pièce et me fends d’un commentaire déplacé sur le menu du prochain gala de charité. Oups. Cette fois c’est sûr, le grand patron m’a repérée.
« Je m’imagine un instant que son regard me détaille avec le désir indomptable de punir cette bouche trop insolente… ».
Pendant que je rêvasse, il semble de son côté avoir aimé mon aplomb et me demande d’organiser tout le dîner. Voilà où j’en suis. En regardant la bande-annonce du jeu, oui, chaque romance a droit à son teaser, je prends la pleine mesure de ce qui m’attend. Demain, je serai probablement nommée assistante de direction, m’amourracherai de Ryan ou peut-être même du garde du corps qu’il aura chargé de me surveiller. Quant à savoir si je continuerai de jouer…

Ce texte est paru dans le numéro 15 de la revue de L’ADN : Génération(s). Pour vous la procurer, c'est par ici.

À CONSULTER

1492 Studio a été fondé par deux entrepreneurs expérimentés réunissant 20 ans d’expérience professionnelle cumulés dans le domaine du jeu free to play. La société vient d’être achetée par Ubisoft.
s1492.com

 

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